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Des milliers de personnes (224 000 selon les autorités, entre 400 000 et 500 0000 d'après les syndicats), dont de nombreux étudiants et lycéens, ont manifesté partout en France, ce mercredi 9 mars, contre la loi El Khomri. Les jeunes participants à la manifestation parisienne expliquent ce qu'ils reprochent à cette réforme du droit du travail.
Mis à jour
10 mars 2016
Manifestation du 9 mars à Paris - Crédits : L'Usine Nouvelle
Le plus saisissant, dans les échanges avec les jeunes qui manifestaient mercredi 9 mars contre la réforme El Khomri, c’est leur vision très sombre du travail. "Soit t’as pas de boulot, soit t’en as trop, t’es pressurisé, on te fait du chantage en mode : t’as de la chance d’avoir un boulot alors ferme-la. C’est ça qui nous attend ?", s’insurge Thibaut, étudiant en archéologie à la Sorbonne, place de la République, en attendant que le cortège démarre. A ses côtés, Lauriane, 22 ans, étudiante à l’Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco), ne veut pas "vivre que pour le travail". Les étudiants et lycéens présents à la manifestation évoquent souvent le stress, les conditions de travail de plus en plus difficiles. Pierre, lycéen en 1ère L au lycée autogéré se dit inquiet de la façon dont évolue le travail : "les gens vont de dépression en dépression, il y a beaucoup de suicides au travail, des burn out. Avec cette loi, j’ai peur que ce soit encore plus violent. On donne plus de pouvoirs aux patrons, et l’Etat ne protège plus."
Dans le cortège qui s’est ébroué presque à l’heure, c’est la critique principale. "Medef, PS, même combat" hurle dans un haut-parleur un jeune militant de la CGT. "Avec cette loi, souligne Camille, 20 ans, étudiante en géopolitique, le patronat a tous les droits, ça nous fait flipper qu’il puisse licencier quand il veut, avec presque plus d'indemnités… "
Quand on fait remarquer aux lycéens et étudiants que beaucoup de décisions devront être approuvées par les syndicats, ça ne les rassure pas : "les gens ne croient plus aux syndicats, c’est une institution dans laquelle les jeunes ne se retrouvent pas", estime Mathilde, en master 2 d’économie à la Sorbonne. "De toutes façons, ils ne sont pas dans les petites entreprises, ni dans les secteurs précaires…"
Ils se sentent trahis par un gouvernement de gauche
Une délégation du lycée Jean Jaurès de Montreuil se fraie un passage dans la foule pour rejoindre la tête de la manif à coup de "laissez passer les lycéens" crié dans un mégaphone. Les syndicats qui soutiennent la manif, CGT, Sud, FSU, laissent les jeunes occuper la tête du cortège et ferment la marche. "Loi travail, t’es foutue, la jeunesse est dans la rue", scandent des jeunes, en réponse, sans doute, à une loi qui parle d’elle à la première personne sur Twitter…
Le nom de la ministre, nouveau-venu dans une manifestation, donne évidemment lieu à quelques jeux de mots du type "El Khomri, arrête tes conneries". Un vendeur à la criée de l’Humanité distribue le quotidien communiste : "Demandez le programme El Khomri !". "C’est bon, on connaît !" lui répond un lycéen. Un nouveau quotidien de gauche, Le Progrès social, a choisi le 9 mars pour sortir son premier numéro, distribué à tout va.
Si quelques jeunes avouent ne pas savoir pourquoi ils sont là – "mon frère m’a dit de venir" ou "toute ma classe venait, j’ai suivi" - la plupart connaissent des points précis de la loi, en dépit de sa complexité technique.
Plusieurs "trucs" font peur à Pierrre, lycéen : "pouvoir être renvoyé dès qu’il y a une difficulté économique, sans contrôle de l’Etat, se voir imposer les 3X8… " "Si on fait travailler plus les gens, ça fera moins d’emploi pour les autres", craint Lucas, 18 ans, étudiant en biologie à Paris 7. Un lycéen en arts appliqués de 16 ans a retenu qu’un apprenti mineur pourra travailler 40 heures par semaine. "Je suis mineur, ça me paraît fou, 40 heures de travail… "
Plusieurs jeunes citent les 11 heures de repos quotidien, dont l’avant-projet de loi autorise le fractionnement. Toujours cette vision épuisante du travail. Un étudiant citera même la possibilité, par accord d’entreprise, de limiter le nombre de jours de congé pour le décès d’un proche. "Ca va créer de l’emploi, ça ?"
Beaucoup disent être là parce qu’ils seront bientôt eux-mêmes au travail, mais aussi par solidarité avec ceux qui travaillent. Personne ne parle des chômeurs, invisibles dans la manif… Aucun jeune ne croit que sécuriser les licenciements incitera les employeurs à embaucher, comme le soutiennent le gouvernement et certains économistes. Beaucoup se sentent "trahis" par un gouvernement de gauche qui "balaie en cinq minutes des années de progrès sociaux gagnés en 36 ou en 68", regrette Arthur, 19 ans, à l'Inalco. "Le travail et sa protection, c’est un sujet de gauche, ça me scandalise qu’un gouvernement de gauche y touche", défend Mathilde, en master 2 d’économie. Elle le reconnaît, sa déception va au-delà de la loi El Khomri : "ce gouvernement a été élu pour inverser la courbe du chômage et faire quelque chose pour les jeunes. Or rien n’a été fait sur ces deux points".
Les facs s'organisent pour la suite
Trois copains en 3e année de licence de physique à Paris 7 ont, avant la manif, assisté à une assemblée générale dans leur fac. L’AG a été pédagogique : ils parlent d’inversion de la hiérarchie des normes, de forfait-jours, de référendum d’entreprise et d’accords majoritaires. La classe ! "C’est bien de venir manifester, c’est mieux quand tu sais pourquoi", argumente Hubert, 20 ans. "La réforme nous force à accepter de plus en plus des conditions de travail qui dégradent le quotidien de vie des salariés", proteste Mathieu, 20 ans. Selon eux, le mouvement ne fait que commencer. Une autre assemblée générale est prévue mercredi en fin de journée dans un amphi de Paris 7, un comité de mobilisation a été créé, et des groupes se partageront, dans les jours qui viennent, des tâches spécifiques (expliquer la réforme en amphi, distribuer des tracts, organiser des débats…). "On sera là le 31 mars, c’est sûr, et peut-être avant". Le syndicat étudiant Unef appelle d'ailleurs à une nouvelle mobilisation le 17 mars. Le seul souci de manifestants : "on dirait qu’il y a moins de scientifiques que de littéraires, ce serait bien d’avoir des statistiques là-dessus". Des scientifiques, quoi.
Cécile Maillard
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