Crise de l'euro: avez-vous la bonne couverture?
« Nous avons perdu de l'ordre de 300 000 à 400 000 euros », se désole Bruno Grandjean. Le patron de Redex, une PME de 50 millions d'euros de chiffre d'affaires spécialisée dans la fabrication de composants pour les machines outils, a fait ses calculs. La couverture du risque de change, négociée il y a six mois avec son banquier pour la vente à un client américain d'une machine de 3 millions de dollars, s'est traduite par un immense manque à gagner. Au moment de la passation du contrat, il avait souscrit une vente à terme, fixant le cours de l'euro contre le dollar à 1,45 pour le paiement de la facture. La baisse brutale de la monnaie européenne, descendue aux alentours de 1,20 euro contre 1 dollar, aurait pourtant pu gonfler la trésorerie de l'exportateur...
L'histoire n'a rien d'anecdotique. A l'image de Redex, la plupart des sociétés exportatrices utilisent le même mécanisme de couverture, vanté pour sa simplicité d'utilisation. Elles ont, du coup, connu la même déconvenue que Redex. Louis Gallois, le PDG d'EADS, qui appelait de ses voeux une baisse de l'euro face au dollar, s'est retrouvé dans la même situation. L'industriel qui achète en euros et vend en dollars, couvre traditionnellement tous ses contrats contre le risque de change. Et plutôt sur des périodes longues, calquées sur ses cycles de production. Conséquence, la chute de l'euro ne se traduira pas dans ses comptes avant 2013.
Face à la baisse de l'euro entamée en décembre dernier, les entreprises tentent de réviser leur stratégie. Si les opérations de vente à terme présentent l'avantage de connaître à l'avance la marge réalisée, les institutions financières développent aussi des instruments s'adaptant plus finement aux évolutions des devises. Les options d'achat ou de vente par exemple. Prises à l'avance, elles laissent aux entreprises le droit d'acheter au prix actuel du marché pour profiter d'une grande partie de la baisse des cours. Le reste étant engrangé par la banque. « C'est une couverture qui coûte plus cher, car il faut payer une prime à la mise en place, remarque Eric Popelin, le responsable des ventes grande clientèle Europe occidentale d'HSBC. Le montant peut varier entre 0,5 et 2 % du montant nominal couvert. Plus un secteur a des marges importantes, plus il peut se permettre d'acheter des options avec une prime élevée. » Les tunnels d'options, en cumulant option d'achat et option de vente, permettent justement d'annuler ou de minimiser le coût de l'option. Au moment du paiement du contrat, le trésorier peut exercer son option d'achat et revendre son option de vente. Et compenser ainsi les primes attachées aux deux transactions.
Le maniement de ces instruments financiers reste difficile pour les non initiés. Le choix du meilleur outil pour bénéficier de l'évolution des taux de change nécessite d'avoir, au sein de ses équipes, une expertise suffisante pour en bénéficier. Ce que beaucoup de PME n'ont pas. « Notre philosophie consiste à dire que nous n'avons pas vocation à gagner ou perdre de l'argent avec la spéculation sur les devises », tranche le dirigeant de Redex. Pour les contrats supérieurs à un million de dollars, la PME utilise la vente à terme pour se couvrir. En dessous, il ne se couvre pas. « Il s'agit en général de pièces détachées, les sommes sont donc moins importantes et les cycles plus courts, pendant ces périodes les taux varient beaucoup moins », justifie Bruno Grandjean.
D'autres sociétés choisissent de sous-traiter ce type d'ingénierie financière et mixent les différentes formules de couverture. « Le but est de combiner des instruments de sensibilité différente », confie Alessandro Giorgianni, consultant chez Forex Finance, une société de conseil qui compte parmi ses clients aussi bien des entreprises du CAC 40 que des PME. Il associe une couverture ferme (pour sécuriser une partie des contrats) et l'achat d'options (pour pouvoir se retourner en même temps que les taux de change). « Si votre stratégie de couverture est équilibrée, vous vous retrouverez alors dans une situation satisfaisante quoi qu'il arrive », assure le consultant.
Ces solutions sont parfois plus difficiles à mettre en place dans les entreprises cotées, soumises aux normes IFRS. « Ces normes comptables obligent souvent les grandes entreprises à pratiquer plutôt la vente à terme et moins les options d'achat ou de vente, confie Alain Girardeau-Montaut, le président de la commission « risques » de l'Association française des trésoriers d'entreprises, lui-même responsable des risques de change chez Dassault Aviation. Ces dernières sont considérées comme spéculatives et impactent donc les résultats financiers à partir de la mise en place du contrat jusqu'à son échéance. »
Reste qu'un changement soudain de stratégie n'est pas toujours possible. « On constate souvent un mimétisme entre la stratégie des entreprises d'un même secteur industriel, explique Alain Girardeau-Montaut. C'est une question de compétitivité. » Ainsi, la plupart des groupes pétroliers ne s'assurent pas contre le risque de change. Ils travaillent en grande partie en dollars et préfèrent répercuter les fluctuations de la monnaie américaine sur les tarifs aux consommateurs.
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