Covid-19 : « Les masques chirurgicaux ne suffisent pas face à la contamination par aérosol, il faut renouveler l'air intérieur », pointe Fabien Squinazi, du Haut Conseil de la Santé Publique

Avec la prise en compte de la contamination au Covid-19 par voie aérienne, les recommandations concernant les masques et les systèmes de traitement de l’air intérieur se précisent. Fabien Squinazi, médecin biologiste au Haut Conseil de la Santé Publique (HSCP) et co-rédacteur d’un avis du HSCP sur le réglage des systèmes de ventilation et de chauffage publié le 24 octobre, explique à Industrie & Technologies le défi de la lutte contre la diffusion en aérosol du SARS-CoV-2.

 

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Covid-19 : « Les masques chirurgicaux ne suffisent pas face à la contamination par aérosol, il faut renouveler l'air intérieur », pointe Fabien Squinazi, du Haut Conseil de la Santé Publique

Industrie & Technologies : La contamination par aérosol a tardé à apparaitre dans les discours de prévention des pouvoirs publics. Ce vecteur de contamination était-il méconnu ?

Fabien Squinazi : Non, l’aérosolisation des virus est un processus bien connu. Il y a toujours formation d’un aérosol : lorsque nous parlons, chantons et même respirons, nous exerçons une pression sur le film liquide qui recouvre nos cordes vocales et nos muqueuses respiratoires. Ces activités provoquent l'émission de gouttelettes de différentes tailles contenant, lorsqu'on est infecté, du virus.

Une fois dans l'air, les plus grosses tombent sous l'effet de la gravité. Celles de moins de 100 microns vont en revanche rester en suspension dans l’air. Tout comme des résidus secs issus de l’évaporation des grosses gouttelettes. Ce mélange de micro-gouttelettes et de particules solides forme un aérosol porteur de particules virales qui est infectieux. Cela a été montré, notamment, par plusieurs études qui ont vérifié que des cultures cellulaires pouvaient être infectées à partir d'une captation d'air ainsi contaminé.

En extérieur, l'aérosol va se diluer rapidement. Mais dans un lieu clos, comme une pièce ou un open space, il va se disperser au gré des flux d'air et persister tant que l'air n'est pas renouvelé.

Quel est la probabilité d’exposition au virus diffusé sous cette forme ?

Si vous situez à moins d’un mètre d’une personne contaminée qui expulse ce nuage, vous vous exposez directement aux gouttelettes, petites et grosses, contenant du virus. C'est une situation de contamination par proximité, en intérieur comme en extérieur.

Si vous êtes à distance de la personne, vous échappez aux plus grosses gouttelettes, mais vous pouvez entrer en contact avec l’aérosol. Dans ce cas, l’exposition au virus dépend de la durée de survie de celui-ci et du temps pendant lequel il reste en suspension. Comme l’air n’est pas son environnement naturel, le SARS-CoV-2 ne peut survivre longtemps. Des études expérimentales montrent qu’au bout d’une heure, la quantité de virus est divisée par deux.

L’hygrométrie est un paramètre important : l’humidité fait tomber les gouttelettes plus vite au sol et le phénomène d’évaporation menant aux résidus secs porteurs de virus est également réduit. Un air sec est donc plus propice à la contamination aérosol et nous recommandons une hygrométrie supérieure à 40%

A partir de quel degré d'exposition peut-on être infecté ?

C’est là que se trouve le problème. A ma connaissance, on ne sait pas quelle est la dose qui déclenche une infection. D’autant plus que ce seuil dépend fortement du sujet exposé. Nous savons qu’il y a une transmission possible par voie aérienne, sans contact rapproché, mais il est très difficile de connaître la dose infectieuse de ces contaminations par voie respiratoire.

Les masques sont-ils efficaces pour prévenir cette contamination par aérosol ?

Le masque chirurgical ou son équivalent en tissu est indispensable pour prévenir l’infection par proximité : il retient 90% des particules supérieurs à 3 microns émises par leur porteur, ce qui évite en grande partie que ces grosses gouttelettes contaminent directement les autres personnes.

D'autre part, ces grosses gouttelettes ne s’évaporeront pas pour former un aérosol. En revanche, les micro-gouttelettes, d'un diamètre inférieur à 3 microns, vont passer et former un aérosol. Il pourra contaminer d'autres personnes, et ce même si celles-ci sont porteuses d'un masque chirurgical. Car ce dernier ne protège pas des aérosols. Seuls les masques FFP2 sont efficaces à cet égard.

Il faut comprendre que les masques chirurgicaux ne sont pas prévus pour un usage dans la vie quotidienne, où l'on parle. Lorsque les médecins les portent - pour protéger leurs patients -, ils parlent peu ou pas du tout. Quand on parle avec un masque, on émet un aérosol potentiellement contaminant. Donc l'idéal serait de limiter ses paroles. Pour résumer, le port du masque est important mais il ne résoud pas tout. En intérieur, il doit être associé à d’autres mesures comme la limitation du nombre de personnes et surtout l’aération.

Quelles mesures prendre pour s’assurer du renouvellement de l’air en intérieur ?

L’évacuation de l’aérosol qui peut s’accumuler lorsqu’il y a plusieurs personnes dans une pièce est fondamentale. Pour cela il faut apporter régulièrement de l’air neuf en remplacement de l'air porteur d'aérosol. La performance des systèmes de ventilation joue un rôle important. Le haut conseil de la santé publique (HCSP) a publié fin octobre un avis sur les systèmes de chauffage et de ventilation pour limiter la propagation du SARS-CoV-2.

Nous recommandons dans ce cadre d’éviter le recyclage d’air par l’installation centralisée de traitement d’air mais également d’ouvrir les fenêtres pendant quelques minutes plusieurs fois par jours pour favoriser encore davantage le renouvellement de l’air dans les locaux. Le HCSP pointe l’utilité de la mesure en continu de la concentration en dioxyde de carbone (CO2), à l’aide de capteur. C’est un très bon indicateur du confinement d’une pièce, et cela peut alerter sur la nécessiter de renouveler l’air.

Les purificateurs d’air vous semblent-ils intéressants pour lutter contre les aérosols ?

Nous déconseillons l’utilisation des purificateurs qui possèdent des systèmes de destruction du virus, comme les technologies « destructrices » du virus comme les UV-C, la photocatalyse ou encore le plasma froid. Ces dispositifs peuvent produire des sous-produits polluants. Les systèmes dotés de filtres HEPA semblent plus intéressants, mais nous manquons d’éléments pour évaluer l'efficacité en condition réelle des appareils commercialisés. Il faudrait notamment vérifier que tout l'air de la pièce passe véritablement par le filtre. Il faudrait de plus s'assurer que la ventilation de ces purificateurs ne fasse pas circuler de l'air non filtré entre les personnes.

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