Coronavirus: Ruée sur les marchés en Afrique, qui se "prépare pour une guerre"
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KIGALI (Reuters) - Dans de nombreux pays d'Afrique, des consommateurs inquiets, souvent munis de masques et de gants, se sont précipités mardi pour faire des stocks de provisions alors que le nouveau coronavirus commence à se répandre sur le continent.
"C'est comme si les gens se préparaient pour une guerre", a déclaré un commerçant médusé par l'afflux de clients réclamant du riz, de l'huile, du sucre et de la farine sur un marché de Kigali, la capitale rwandaise.
Dans un premier temps préservé du nouveau coronavirus qui a émergé en Chine en décembre avant de se propager à travers le monde, le continent africain enregistre depuis quelques semaines une accélération des nouveaux cas de contamination et les différents gouvernements mettent en place des mesures drastiques pour tenter d'enrayer la progression de l'épidémie.
Plus de 400 cas d'infection ont été identifiés dans au moins 30 pays africains.
Dans ce contexte de crise sanitaire, les prix des produits alimentaires ont augmenté dans certaines régions et de nombreux habitants peinant déjà à joindre les deux bouts en temps normal retrouvent dans une situation encore plus difficile.
Au moins un pays, le Rwanda, qui compte sept cas confirmés de contamination par le coronavirus, a tenté d'encadrer les prix des denrées de première nécessité.
Le ministre rwandais du Commerce a annoncé tard lundi soir des prix fixes pour 17 produits, dont le riz, le lait et l'huile, mais sans préciser les sanctions éventuelles pour ceux qui s'affranchiraient de ces tarifs.
Le commerçant de Kigali, qui a refusé de communiquer son identité par crainte d'une visite des services du gouvernement, a précisé que dans le marché où il travaille, le prix du sac de 25 kilogrammes de riz tanzanien est passé de 27.000 à 30.000 francs rwandais (soit d'environ 26 euros à près de 29 euros). Pour le riz pakistanais, les prix sont passés de 22.000 francs à 28.000 francs. Une hausse imputable selon lui aux grossistes.
FLAMBÉE DES PRIX
Sur ce même marché Nyarugenge de la capitale rwandaise, Béatrice, âgée de 52 ans et avec un enfant à charge, ne cache pas son exaspération face à la flambée des prix.
"Je suis ici pour acheter du riz mais je n'ai pas de quoi le payer", dit-elle en soulignant que le prix du sac de riz a encore progressé pour atteindre 32.000 francs au moment de son arrivée.
"On ne peut pas laisser nos enfants avoir faim, donc j'en achèterai quand même", a-t-elle ajouté. "Nous ne savons pas quand ce coronavirus va s'arrêter. Si j'avais assez d'argent, j'achèterais bien plus de nourriture."
Puissance économique d'Afrique de l'Est, le Kenya n'a pas échappé à la règle - dès l'annonce de son premier cas de coronavirus vendredi, les supermarchés ont été pris d'assaut.
A l'image du Carrefour situé près d'un complexe de l'Onu à Nairobi, la capitale, d'où les clients sont ressortis avec des caddies remplis de lingettes, de désinfectant, de riz ou encore de lait.
Face à ce pic de demande, Tusky's, un autre supermarché kényan, a lancé des appels au calme à sa clientèle et a inauguré cette semaine un service de livraison à domicile.
Une autre chaîne de supermarchés, Cleanshelf, a été mise à l'index par l'autorité de la concurrence qui lui a ordonné de rembourser les clients après avoir surfacturé des désinfectants pour les mains.
"Ce qui s'est passé récemment est injustifiable et nous sommes vraiment désolés", a réagi dans un communiqué Veronica Wambui, responsable des ventes et du marketing du groupe qui a imputé la surfacturation à un de ses employés.
De l'Afrique du Sud au Sénégal, les files d'attente de multiplient devant les magasins où les familles viennent s'approvisionner en produits de santé et de première nécessité.
Les ventes, confie Anna, gérante du supermarché Auchan à Dakar dans le quartier de Mermoz, ont doublé depuis la semaine dernière et les gels désinfectants sont d'ores et déjà en rupture de stock.
(Avec George Obulutsa et Katharine Houreld à Nairobi et Juliette Jabkhiro à Dakar; version française Myriam Rivet et Marine Pennetier, édité par Jean-Stéphane Brosse)