“Concevoir une solution de mobilité de marchandises dans ce monde changeant est très compliqué”
La question du dernier kilomètre, en matière de livraison, est une constante des réflexions menées en faveur d’une mobilité verte. Renault expérimente EZ Flex, sa réponse électrique modulaire qui laisse entrevoir un futur possible de ces livraisons.
Entretien avec Laurence Montanari, Chef de Projet Innovation EZ Flex, Groupe Renault LCI
Comment définiriez-vous la « mobilité verte » ?
C’est avant tout une mobilité raisonnée, sans excès. C’est aussi une mobilité qui ne détruit pas l’environnement. Obtenir ce que l’on voulait quand on le voulait, en matière de déplacements de personnes et de biens, a généré d’énormes conséquences environnementales. L’accroissement de la population, couplé à cet accès à tout de tous, pousse toutes les générations à réfléchir. Les usages tendent à évoluer de façon plus raisonnée, moins excessive. Avec la tendance forte de l’autopartage, le transport de personnes a pris de l’avance sur celui des biens. Sans en être la seule raison, nos pratiques d’achat en ligne n’y sont pas étrangères, générant plus de flux de transports que lorsque nous allions chercher les produits en magasin.
La livraison du dernier kilomètre, en particulier dans les centres-villes, est ainsi devenue une question majeure de la mobilité verte…
Oui, mais concevoir une solution de mobilité de marchandises dans ce monde changeant est très compliqué. Nous avons donc raisonné de manière assez innovante pour l’industrie automobile : à l’envers. Nous plaçons un vrai véhicule en test dans la vraie vie de nos clients. Ce véhicule, c’est EZ Flex : urbain, électrique, maniable, compact, dont la partie arrière est modulaire. Démarrée en novembre 2019, l’expérimentation court sur deux ans. Les premiers clients à tester le véhicule sont La Poste avec deux véhicules à Paris, et la métropole de Montpellier, choisie pour son plus vaste centre urbain piétonnier d’Europe.
Quelles conditions faut-il réunir pour faire éclore ce type de projet ?
Il faut trois piliers fondamentaux : un groupe de personnes d’horizons divers qui désirent travailler autrement, un projet qui fédère ce genre d’approche ouverte, et un outil qui vous le permet. Nous utilisons d’ailleurs la plateforme 3DEXPERIENCE de Dassault Systèmes.
Comment EZ Flex s’intègre-t-il à la réflexion des villes sur leurs futurs possibles ?
Disposer d’un objet physique, que vous pouvez conduire, tester dans différentes situations et configurations, cela catalyse la réflexion. Depuis la présentation du véhicule, de nombreuses villes nous disent qu’au-delà de l’expérimentation elle-même, cela leur permettra de se projeter dans le futur. Deux sujets vont en sortir : la smart city, pour les villes souhaitant aller dans cette direction, mais aussi ce récent concept de « physical internet » qui connecte et synchronise tous les réseaux logistiques pour créer un solide réseau collaboratif physique, capable d’optimiser en continu l’acheminement et la livraison de marchandises.
Quels freins voyez-vous aujourd’hui au développement d’une mobilité urbaine verte ?
Plus que les freins, ce sont les sujets de réflexion qui sont nombreux : la logistique liée à la fabrication automobile, les prises de conscience sur les coûts environnementaux de nos comportements, la multi-énergie en faveur d’une mobilité optimisée, ou encore certains temps de cycle incompressibles de l’industrie automobile. Tant que les consommateurs, les entreprises et les pouvoirs publics ne trouveront pas un compromis économique ou une stratégie gagnante pour tous, les mobilités n’évolueront pas vraiment. Nous aurons toujours besoin de mobilité, pour les personnes et les biens. Mais on la voudra la plus pratique et abordable possible. Avec les implications en termes de contraintes liées à la production de masse. Cela induit aussi des choix technologiques et énergétiques durables pour l’environnement, mais aussi dans le temps.
Laurence Montanari, Chef de Projet Innovation EZ Flex, Groupe Renault LCI
Contenu proposé par Dassault Systemes