Comment Saint-Gobain a perdu trois ans et demi à courir après Sika
Trois ans et demi après sa tentative de prise de contrôle de Sika, Saint-Gobain doit se contenter d’être actionnaire minoritaire à hauteur de 10,75 %. Avec, en prime, un passif à effacer auprès de du spécialiste suisse de la chimie pour le bâtiment.
Tout ça pour ça ! Trois ans et demi que Saint-Gobain se bat pour prendre le contrôle de Sika, cette pépite suisse de la chimie pour le bâtiment, et voilà le champion français qui n’aboutit qu’à un résultat bien modeste : 10,75% du capital et des droits de vote de Sika. Bien loin du coup annoncé par Pierre-André de Chalendar en décembre 2014, quand le PDG du groupe signait avec la famille Burkard, héritière du fondateur de Sika, l’acquisition de 16% du capital du suisse qui s’accompagnaient de 52 % des droits de vote.
Cette prise de contrôle à bas coût, digne d’un raider boursier, s’est transformée en bourbier pour Saint-Gobain. Ulcérée par "la trahison" de la famille Burkard et rebutée par la perspective d’une digestion par le mastodonte tricolore, la direction de Sika avait immédiatement lancé une fronde inédite, ralliant nombre de ses actionnaires minoritaires : de 22 caisses de pension suisses à de prestigieux fonds anglo-saxons comme Fidelity Investment et la Fondation Bill Gates en passant par UBS.
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La défense de Sika a été radicale. Le suisse a su tenir en échec le français en s’attaquant au point clé des droits de vote préférentiels attachés aux parts de la famille Burkard, symboles d’une gouvernance actionnariale d’un autre temps qui lèse les actionnaires minoritaires. Estimant que la famille Burkard perdait son "privilège historique" en se liant avec Saint-Gobain, la direction de Sika avait réduit fin janvier 2015 les droits de vote de la famille à… 5 % - le plafond prévu pour un actionnaire lambda -, les empêchant de conclure la vente.
"Pourquoi avoir attendu si longtemps ?"
Depuis, l’affaire était aux mains de la justice suisse, avec une première décision favorable à Sika fin 2016, dont avait fait appel la famille Burkard. De son côté, Saint-Gobain n’a eu de cesse, jusqu’il y a quelques semaines, de s’affirmer sûr de son bon droit et de marteler que l’accord irait à son terme.
Saint-Gobain a finalement abandonné. La question clé a été posée à Pierre-André de Chalendar ce 11 mai lors d’une conférence téléphonique avec des analystes financiers : "Pourquoi avoir attendu si longtemps pour conclure un tel accord ?" Reconnaissant que Sika avait "régulièrement proposé de tels accords", le dirigeant a affirmé qu’"il n’avait pas été possible de les conclure avant". "Les choses ont changé", a expliqué le PDG, pointant notamment l’augmentation de la valeur de Sika ces trois dernières années – le cours de Bourse a presque doublé ! –, qui "offre de nouvelles options aux trois parties".
Est-ce la famille Burkard qui bloquait un tel accord ? Est-ce Pierre-André de Chalendar qui ne voulait pas renoncer à son coup, à cette pépite dont il rêvait ? Quoi qu’il en soit, nombreux étaient ceux qui reprochaient à Saint-Gobain cette situation qui obérait de 2,3 milliards d’euros – le prix prévu de l’opération en décembre 2014 – sa marge de manœuvre financière pour des acquisitions. Lors de la conférence du 11 mai, les analystes se sont montrés impatients de voir Saint-Gobain profiter de la fin de l’incertitude associée au dossier Sika pour accélérer ses emplettes.
Un gain de 600 millions d’euros… bien relatif
Au final, Saint-Gobain se retrouve actionnaire minoritaire de Sika à hauteur de 10,75 % pour environ 950 millions d’euros. Ce qui représente, au regard du cours de l’action Sika, une ristourne d’un peu plus de 600 millions d’euros payée par Sika. Saint-Gobain s’est bien sûr félicité de ce "gain net". De quoi sortir de l’impasse, sinon la tête haute du moins les poches pleines.
A ceci près que ces 10,75 % de Sika valaient justement environ 950 millions d’euros en décembre 2014, au moment où le français tentait son coup. Et qu’acheter simplement ces 10,75 % n’aurait pas généré chez Sika autant d’animosité envers Saint-Gobain. Une animosité qui prendra du temps à être effacée, a reconnu Pierre-André de Chalendar, pour pouvoir tirer comme il entend toujours le faire des synergies du rapprochement avec la pépite.
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