Comment les industriels tentent de sauver leurs insecticides d’une interdiction par le Sénat
Le Sénat doit se prononcer ce jeudi sur l’interdiction des néonicotinoïdes, ces insecticides accusés d'être des "tueurs d'abeille". En coulisses s'affrontent les lobbyings des activistes environnementaux, des agriculteurs et des fabricants de pesticides. Avec plusieurs cordes à leur arc pour ces derniers.
Interdira, interdira pas ? C’est ce jeudi 12 mai que le Sénat doit se prononcer sur l’interdiction, - votée par l’Assemblée Nationale en deuxième lecture de la loi Biodiversité -, des néonicotinoïdes. Accusée de provoquer une surmortalité chez les abeilles - et donc de mettre en péril la nourriture issue des plantes à fleurs - cette famille représentant un tiers des insecticides vendus dans le monde pourrait être exclue de l’Hexagone dès septembre 2018. Une proposition soutenue par les ONG environnementales et certains acteurs du monde agricole et apicole (Confédération paysanne, Unaf…).
Le reste des agriculteurs s’inquiète néanmoins. Car ces produits, enrobés dans les semences, permettaient de lutter contre de nombreuses maladies : pucerons verts vecteurs de la jaunisse virale, larves dans le sol... Eric Thirouin, le président de la commission environnement de la FNSEA, dénonce un "principe de précaution politique et non scientifique !" Car même si elle reconnait manquer de connaissances sur le sujet, l’Autorité sanitaire française (Anses) s’est prononcée en janvier dernier pour un encadrement renforcé des néonicotinoïdes – dont trois molécules ont déjà vu leur usage restreint par l’Europe -, mais pas leur interdiction. "Nous disons oui à l’amélioration des pratiques et à la réalisation d’efforts sur l’amont – l’enrobage des produits, leur formulation… - pour réduire l’impact sur l’utilisateur, insiste Eugénia Pommaret, la directrice de l’UIPP, le syndicat des fabricants de pesticides. Ce sont lors des processus de renouvellement des Autorisations de mise sur le marché que les entreprises doivent apporter des précisions."
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La menace d'un recours à l'echelle européenne
Pour les activistes environnementaux, des alternatives sont pourtant disponibles. Recourir à des pratiques naturelles – éviter la monoculture, les semis trop précoces…-, à des solutions de bio-contrôle (ces substituts non chimiques aux pesticides, comme les micro-organismes), ou encore revenir à d’autres familles d’insecticides comme la pulvérisation de pyréthrinoïdes. "Un insecticide beaucoup moins sélectif et beaucoup plus dangereux pour les abeilles à notre sens, et à celui du ministère de l’Agriculture", réplique Eric Thirouin. Tandis que les producteurs de betterave, de blé, orge et autres céréales à paille dénoncent déjà de futures pertes de rendements.
En cas d’interdiction, les entreprises de pesticides, comme l’UIPP, menacent déjà de poursuivre la France. Motifs : être contraire au droit européen et causer une "distorsion de concurrence". Le syndicat craint également que cela ne dissuade certaines fabricants de faire homologuer leurs futurs produits dans l’Hexagone. Difficile à croire, alors que ce marché reste le premier à l’échelle européenne…
Travailler avec les agriculteurs... mais aussi sur du biologique
Mais l’industrie travaille également, plus discrètement, sur d’autres fronts. L’allemand Bayer, numéro un des pesticides en France, s’est ainsi allié à la Coopérative agricole régionale du Sud-Ouest "Val de Gascogne" pour améliorer sur les bonnes pratiques agricoles. Des balances électroniques vont être installées sous des ruches pour mesurer leurs variations de poids et l’activité des abeilles. Transmises en temps réel sur un site web dédié, ces informations permettront "d’adapter ainsi les horaires de traitement pour respecter les pollinisateurs", promettent-ils. De son côté, BASF, le numéro un mondial de la chimie, vient d’inaugurer en Allemagne un centre de R&D dédié aux traitements de semences … et au biocontrôle. Objectif, mener des recherches sur de nouveaux insecticides et fongicides naturels.
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