Comment le CEA-Leti veut rendre les semi-conducteurs GaN encore plus performants pour l'électronique de puissance
Particulièrement performants pour l'électronique de puissance, les technologies de nitrure de gallium (GaN) atteignent la maturité suffisante pour passer à l'industrialisation. Mais de nombreuses optimisations sont encore possibles, comme l'a dévoilé Véronique Sousa, directrice de laboratoire au CEA-Leti, lors d'un séminaire consacré à cette technologie.
« "Citius, Altius, Fortius !" Dans le domaine des composants des semi-conducteurs de puissance, nous avons le même slogan que les Jeux Olympiques », s’amuse Véronique Sousa, directrice du laboratoire des semi-conducteurs de puissance au CEA-Leti. Plus haut (pour la tension), plus vite (pour la fréquence), plus fort (pour la puissance). » Les IRT Nanoelec et Saint-Exupéry ainsi que l’ITE Vedecom ont organisé, mardi 15 mars, un séminaire professionnel consacré à la technologie de nitrure de gallium (GaN), un semi-conducteur à large bande (« Band Gap ») particulièrement prometteur. « Nous travaillons sur les "wide band gap" [large bande interdite, ndlr] (SiC ou GaN), bien meilleures que les technologies silicium actuelles en raison de leurs propriétés électromagnétiques », souligne Mme Sousa.
Des recherches dans un secteur stratégique
La technologie GaN est en effet connue pour sa très bonne conductivité : « à l’interface entre le GaN et l’AlGaN se forme un gaz d’électrons bidimensionnel, qui a une très forte conductivité et permet ainsi d’avoir une très faible résistance à l’état passant », détaille-t-elle (voir photo ci-dessous). Un atout clef en faveur de cette technologie, sachant que les semi-conducteurs de puissance représentent des briques technologiques indispensables à l’électrification de la société. À titre d’exemple, les véhicules électriques embarqueront au moins un onduleur entre la batterie et le moteur électrique ainsi qu’un convertisseur DC/DC pour le réseau à bord.
Schéma d'une structure élémentaire d'un Transistor à Haute Mobilité Electronique (HEMT) à base de GaN. Source : thèse de N. Videau, Institut National Polytechnique de Toulouse, 2014.
Désormais industrialisables, plusieurs verrous technologiques occupent la communauté scientifique pour doper encore davantage les performances des semi-conducteurs de type GaN.
Développer la fonctionnalité « normally-off »
Le premier défi consiste à développer la fonction « normally-off », nécessaire aux applications de mobilité pour des raisons de sécurité. Or, pour l’heure, le nitrure de gallium est dit « normally-on », c’est-à-dire qu’il laisse passer le courant même en l’absence d’excitation. « La difficulté, c’est que ce gaz d’électrons bidimensionnel existe naturellement. Pour avoir un normally-off, il faut parvenir à couper ce gaz d’électron », explique la spécialiste du CEA.
Dans le cadre du programme de recherche PowerGan porté par l’IRT Nanoelec, le CEA-Leti et STMicroelectronics ont développé une technologie GaN doté du « normally-off ». « Il s’agit de la technologie "Recessed MIS-gate". Nous gravons la couche AlGaN d’une manière particulière afin de retirer ce gaz d’électrons », déroule Véronique Sousa.
Limiter les inductances parasites lors de la montée en fréquence
Autre chantier : réduire les inductances parasites qui apparaissent au-delà d'une certaine fréquence. Car la capacité des GaN à atteindre des fréquences élevées de commutation permet d’augmenter la compacité, et donc de baisser le coût. « La taille des éléments passifs (pour filtrer le signal) peut ainsi être réduite », précise Mme Sousa.
Pour limiter ces effets parasites qui dégradent le système, les recherches se concentrent d’abord au niveau du composant lui-même. « Nous travaillons à la fois sur l’architecture du composant, au niveau de l’epitaxie [croissance des cristaux au-dessus du substrat de silicium, ndlr] et du process flow dans l’optique de baisser la résistance à l’état passant et les inductances parasites », complète la chercheuse.
Co-intégrer différentes fonctions sur le même wafer
D’autres pistes pour limiter les inductances parasites s'intéressent à l’échelon système : il s’agit de faire de l’intégration monolithique. « En effet, pour baisser les parasites, il faut rapprocher les différents éléments du circuit électronique… jusqu’à les placer sur la même puce, et donc faire de l’intégration monolithique », explique Véronique Sousa.
D’après la chercheuse, des fonctions de diagnostic (sondes en courant et en température), de puissance (transistor ou diode) ou de protection/contrôle (le driver par exemple) sont susceptibles, à moyen terme, d’être intégrées sur le wafer de silicium. Toujours dans le cadre du projet PowerGan, les scientifiques ont ainsi démontré qu’il était possible de co-intégrer un capteur de flux de chaleur à côté d’un transistor de puissance.
« Sauf qu’en co-intégrant plusieurs composants de puissance, si vous appliquez 600 volts à l’un des transistors, les performances de celui d’à-côté risquent également de se dégrader. Il y a donc des travaux en co-intégration pour isoler ces dispositifs », développe-t-elle.
Concevoir des GaN verticaux
Des travaux de recherche de plus long terme tentent même de revoir toute l'architecture du dispositif GaN, en passant d’une configuration latérale à une configuration verticale. « La configuration verticale permettrait en effet d’écarter davantage la source du drain. Ainsi, le semi-conducteur pourrait résister à des tensions qui vont au-delà de 650 volts, d’aller plus haut en puissance tout en restant sur des hautes fréquences », pointe la directrice du laboratoire des semi-conducteurs de puissance du CEA-Leti. Pour y parvenir, les scientifiques cherchent à épaissir les épitaxies. « Sur un GaN sur silicium en latéral, l’épaisseur de l’epitaxie est limité à 5/10 microns. Alors qu’en vertical, il faudrait atteindre des couches de 10/20 microns », raconte-t-elle.
En parallèle, des recherches axées sur les matériaux tentent de passer du « Wide Band Gap » à l’ « Ultra Wide Band Gap » (uniquement possible en configuration verticale). « Certains matériaux bénéficient de gap électroniques, et donc de tensions de claquage encore plus élevées [que le silicium, ndlr], en particulier le diamant. C’est le graal ! » s’enthousiasme-t-elle. Le défi principal repose ici sur la disponibilité de substrat de diamant en grande taille. « Des telles fabrications, avec peu de défauts, ne sont pas disponibles aujourd’hui », relève Véronique Sousa.
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