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Comment interpréter les résultats de la commission Royal sur les émissions diesel ?
La commission technique lancée par la Ministre de l’environnement suite au scandale Volkswagen vient de livrer les résultats de sa première vague de tests de 52 véhicules. Sans surprise, de nombreux véhicules se trouvent recalés à ces tests... qui ne sont pas ceux employés à l’époque pour leur homologation. Ils ne sont pas pour autant considérés comme non conformes. Mais les tests mettent en lumière les différences de stratégies moteurs entre constructeurs.
Pas de tricherie avérée, mais des constructeurs qui font figure de mauvais élèves. Voici dans les grandes lignes les résultats de l’enquête menée par la commission Royal auprès de 52 véhicules représentatifs du parc automobile français, dont les détails ont été révélés ce matin par nos confrères du magazine Les Echos. Jusqu'à présent, les résultats des tests étaient anonymes.
L'absence de triche est une bonne nouvelle, mais l’enquête réserve tout de même des surprises. On découvre par exemple que certains modèles comme la Golf 2L TDI Euro 5, qui a été au cœur du scandale Volkswagen, passe les tests et enregistre même de bons résultats sur les trois épreuves. A l’inverse, les deux Renault Captur 110 ch testés par la commission échouent sur les trois épreuves alors qu’ils répondent à la norme Euro 6.
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A quels tests les véhicules ont-ils été soumis ?
La “commission Royal” a imaginé trois épreuves baptisées D1, D2 et D3 (voir encadré). Les deux premières ont lieu en laboratoire, la troisième sur
piste. Tous les tests sont basés sur le cycle normalisé NEDC (New european driving cycle). Ce dernier sera remplacé à partir de 2017 par un nouveau cycle WLTP (Worldwide harmonized light vehicles test procedure) plus réaliste, mais la commission a choisi de partir du cycle NEDC qui reste celui en vigueur actuellement.Comme le test NEDC est utilisé par l’industrie automobile depuis des décennies, et que les constructeurs sont soupçonnés de développer leurs véhicules en privilégiant la réponse au test au lieu de leur usage réel, la commission a imaginé des modifications du cycle sensés tromper les véhicules.
Ainsi, le test D1 reproduit l’ensemble du protocole NEDC à l’exception de quelques manœuvres non prévues, comme un passage en marche arrière, afin que le véhicule ne puisse reconnaître qu’il est en phase de test.
Le test D2 consiste en un enchaînement de deux tests D1 consécutifs. Comme les tests d’homologation s’effectuent toujours moteur à froid, les experts de la commission veulent s’assurer de l'absence d’écarts trop importants entre la dépollution moteur froid et moteur chaud.
Enfin, le test D3 a pour objet de reproduire les accélérations et les freinages prévus sur les tests précédents, mais sur piste, en situation réelle. Pour ces trois tests, les experts techniques ont défini des coefficients de tolérance. En effet, les tests modifiés sont plus contraignants que les tests d’homologation officiels, et cela doit être pris en compte. Le coefficient est de 1,1 pour le test D1. Pour le test D2, la valeur ne doit être supérieure à 1,5 fois la valeur maximale enregistrée sur D1. Enfin, la marge de tolérance retenue pour le test D3 en situation réelle est de 5. Il prend en en compte l’imprécision du système de mesure et la variabilité de facteurs extérieurs comme la température, l’hygrométrie ou la pollution ambiante, etc.
Rappelons à ce propos que la future norme applicable en 2017 prévoit un coefficient de 2,1, mais elle est basée sur le protocole de tests WLTP plus contraignant que le NEDC utilisé ici.
Les technologies de dépollution ne se valent pas
Au-delà de pointer du doigt tel ou tel constructeur, ce sont surtout les lacunes de certaines technologies de dépollution qui sont mises en évidences. On constate ainsi, sans grande surprise, que les véhicules équipés de système de réduction catalytique SCR affichent de meilleurs résultats que ceux qui en sont dépourvus. Mais on voit aussi que le test en situation réelle a ses limites : sur les 52 véhicules testés sur l’épreuve D3, on voit échouer 27,5 % des véhicules Euro 5, contre 56,5 % des véhicules Euro 6. Un chiffre plutôt difficile à expliquer…
Quelques écarts inexplicables
Au chapitre des résultats difficilement explicables, justement, on trouve le cas de la Citroën C4 Picasso. Sur les deux versions Euro 6 testées, l’une ne réussit pas le test D3. Un relevé que PSA Groupe conteste. "Les mesures sont correctes sur un autre véhicule équipé du même moteurs, et nos tests en interne sont corrects, donc nous sommes en discussion avec l’UTAC pour refaire ce test", a précisé Gilles Le Borgne, directeur de l’innovation de PSA Groupe.
Parmi les causes possibles : la possibilité que le véhicule en question, qui a été prélevé sur une flotte de location, ait été mal entretenu. C’est l’une des limites du protocole de la commission : elle place au même niveau des voitures affichant 3 000 km au compteur quand d’autres accusent plus de 79 000 km.
D’autres écarts mis en évidence par les tests Royal s’expliquent par les stratégies moteurs choisies par les différents constructeurs. Ainsi, pour PSA Groupe, les dépassements de trois véhicules sur les huit testés dans l’épreuve D2 sont justifiés car il s’agit de véhicules urbains. "Il s’agit de véhicules dont nous savons qu’ils seront utilisés à 85 % en ville, sur des trajets de moins de 10 km et durant moins de 15 minutes, explique Gilles Le Borgne. Ils sont utilisés plus souvent à froid et donc nous avons privilégié la dépollution à froid, il n’est pas anormal de voir un dépassement sur le test D2 qui met l’accent sur le moteur chaud". Lorsque le moteur est chaud, le constructeur privilégie la réduction du CO2 à la réduction des NOx, c’est l’un des principes de la stratégie moteur qui est propre à chaque constructeur.
Au final, à de rares exceptions près, les résultats ne font que confirmer ce que les industriels savaient depuis longtemps. Par exemple, que l’association de la vanne de recirculation des gaz (EGR) et du piège à NOx (NOx Trap) ne suffirait pas pour passer la future version de la norme, baptisée Euro 6D-Temps, qui sera applicable en septembre 2017.
C’est la raison pour laquelle tous les véhicules Renault, à l’exception de l’Espace 2L Euro 5, échouent au test D3. Rappelons que le constructeur avait prévu de passer au SCR à partir de 2017, date à laquelle la future norme serait en vigueur, mais qu’il a avancé le déploiement de cette technologie de plusieurs mois pour satisfaire à la pression du Ministère de l’environnement.
Les constructeurs peuvent-ils refuser de collaborer ?
On l’a vu avec les nombreuses demandes d’auditions et les perquisitions de ces dernières semaines, les stratégies moteurs des constructeurs français sont au cœur des préoccupations du Ministère de l’environnement. On peut néanmoins se poser la question de savoir s’il n’agit pas par anticipation. En effet, suite au scandale Volkswagen, la Communauté européenne a annoncé qu’elle se réserverait le droit de demander aux constructeurs de s’expliquer sur leurs stratégies moteur à partir de septembre 2017, date à laquelle les normes auront évolué et prendront en compte les mesures d’émissions en conditions réelles.
Bien sûr, les constructeurs se prêtent de bon gré aux enquêtes et aux auditions pour ne pas passer pour encore pires élèves vis-à-vis du grand public. Mais en leur demandant de s’expliquer sur leurs stratégies moteurs alors qu’aucune norme ne les y oblige et que les tests n’ont fait état d’aucune tricherie avérée, le gouvernement joue un rôle dans la baisse d’image de ces groupes.
Lorsqu’il s’adresse aux constructeurs français, ces derniers se mettraient dans une position délicate s’ils refusaient de collaborer, mais le Ministère aura plus de mal à obtenir les mêmes explications de la part des constructeurs étrangers. Les rejets de NOx ne font l’objet d’aucun engagement contractuel en Europe, contrairement aux Etats-Unis, et aujourd’hui rien n’oblige un constructeur à livrer au gouvernement ses stratégies moteur.
Frédéric Parisot
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