Classification CLP du TiO2 : une décision sur-mesure pour rassurer les salariés et utilisateurs

Au terme de 9 ans de combat, les acteurs de la filière des peintures, encres, couleurs, colles et adhésifs, fédérés en France au sein de la Fipec ont obtenu gain de cause. Le dioxyde de titane contenu dans les peintures ne sera pas assimilé à du dioxyde de titane en poudre, suspecté d’être cancérigène par inhalation. Entretien avec Guillaume Frémaux, président-adjoint de la Fipec.

 

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Classification CLP du TiO2 : une décision sur-mesure pour rassurer les salariés et utilisateurs

Qu’est-ce que le dioxyde de titane et à quoi sert ce produit dans le domaine des peintures, colles, encres et adhésifs ?

Le dioxyde de titane ou TiO2 est une poudre inorganique inerte, utilisée dans nos fabrications de façon très importante. Quasiment toutes les peintures en contiennent. C’est un composé qui apporte de la blancheur, de l’opacité et de l’étanchéité grâce à son pouvoir couvrant. Et il n’est pas substituable. A ce jour, toutes les tentatives que nous avons pu mener pour essayer de le remplacer n’ont pas abouti. Le dioxyde de titane est une matière première critique pour notre secteur.

Ce composé présente-t-il un danger pour la santé ?

En 2006, l’International Agency for research on cancer ou Iarc a identifié le dioxyde de titane comme substance « potentiellement cancérigène pour l’homme ». Cet avis repose sur une étude réalisée sur des rats à qui on a fait inhaler de fortes quantités de particules de TiO2. Or il se trouve que dans nos peintures, le TiO2 n’est pas inhalable sous forme de poudre car il est formulé dans un produit liquide ou visqueux. Les utilisateurs ne sont donc pas exposés.

Pourtant, quelques années plus tard, il a été proposé par la France, via l’Anses, que le dioxyde de titane fasse l’objet d’un classement européen harmonisé au titre du règlement CLP…

Il faut savoir que le dioxyde de titane peut se présenter sous forme de poudre micrométrique ce qui correspond à l’usage du secteur de la peinture qui absorbe 60% du marché, devant l’industrie papetière et les plastiques. Mais il peut aussi se présenter sous forme nanométrique. Or c’est cette forme, utilisée dans l’industrie en agroalimentaire et cosmétique, qui a d’abord fait l’objet de surveillances puis d’interdictions. Notre secteur a été pris dans cette aspiration et c’est ainsi qu’en 2015 l’Anses a pris en charge ce dossier pour initier une procédure de classification du TiO2 sous toutes ses formes - nano, micro, ou dans un mélange - en catégorie 1B.

Quelles conséquences aurait pu avoir une telle classification ?

Le cadre du règlement CLP est extrêmement lourd, et les conséquences auraient pu être très importantes en termes de restriction de manipulation, de stockage et d’étiquetage des produits, d’informations à donner sur les fiches de données de sécurité, en matière de précaution d’usage des peintures… Dans les enseignes de bricolage, un pot de peinture aurait eu la même classification qu’un produit phytosanitaire, nécessitant une mise sous clés des pots de peinture. Finalement, en 2017, le RAC ou le comité d’évaluation des risques, placée sous l’autorité de l’ECHA (NDLR : agence européenne des produits chimiques), s’est saisie de la demande de l’Anses et a estimé que si l’on ne pouvait pas écarter un risque potentiel du TiO2 rien ne permettait de le démontrer. Selon le principe de précaution, elle a conservé une demande classification, mais en la réduisant à une catégorie 2.

Est-ce qu’une classification en catégorie 2 était recevable pour votre secteur ?

Nous avons toujours considéré que le véhicule du CLP était inadapté pour ce sujet. Aussi nous avons fait un travail de pédagogie auprès des administrations concernées. Nous avons expliqué la différence entre la forme micrométrique et nanométrique du TiO2 qui ne concerne pas le domaine de la peinture. Nous avons expliqué que la présentation de nos produits – sous forme liquide ou visqueuse – n’était pas de nature à exposer le consommateur final à l’inhalation de TiO2 en poudre. Et s’il est vrai qu’il existe de la peinture en poudre, elle n’est utilisée que dans le domaine industriel où les applicateurs bénéficient déjà de systèmes de protection collective ou individuelle pour n’être exposés à aucun type de poudre.

Nous avons conduit des études avec l’aide d’organismes indépendants pour apporter la preuve qu’il n’y avait aucun risque d’exposition du consommateur à de la poudre de TiO2. Même lorsque l’on ponce des surfaces revêtues, on ne retrouve pas cette substance libre dans la poussière. Notre fédération européenne, CEPE, a diffusé en parallèle les mêmes messages au niveau européen.

Avez-vous obtenu gain de cause ?

Effectivement, nous avons été entendus. Le dioxyde de titane, sous forme de poudre uniquement, vient d’être classé en catégorie 2 au sens du règlement CLP. La publication au JO européen est désormais officielle, pour une mise en application sous 18 mois dans les pays membres. Ceci écarte toute classification de nos peintures, encres, colles et revêtements, sous forme liquide. Au niveau de nos sites de production, le TiO2 sera traité au même titre que tout autre agent chimique dangereux.

Que vous inspire cet épisode au terme de 9 ans de combat ?

Nos sentiments sont contrastés. Nous ressentons d’abord de l’inquiétude. Il est extrêmement préoccupant que l’on ait pu initier une procédure de classification aussi lourde, sur la base d’une initiative française, jetant une suspicion sur une substance utilisée par nos collaborateurs qui entre dans des produits grand public, pour arriver à la conclusion qu’il n’y avait pas de raison de s’inquiéter. L’arsenal juridique qu’il a fallu déclencher a été disproportionné. Et la procédure s’est avérée anxiogène. Dans le même temps, nous sommes satisfaits et rassurés car nous avons le sentiment d’avoir été entendus par nos administrations. Nous avons clairement expliqué pourquoi il n’y avait pas danger avec du TiO2 utilisé dans des formes liquides et nos interlocuteurs ont laissé place au pragmatisme. Nous sommes sortis de cette affaire de façon intelligente.

Notre industrie est très attachée à être la première à réagir quand des risques sont identifiés. C’est ainsi que nous sommes toujours en train de reformuler nos produits pour répondre à des nouvelles exigences réglementaires. Mais au niveau de la Fipec, nous continuerons d’être très vigilants à ce que les demandes soient justifiées. Cela fait partie de notre travail de défense de nos adhérents.


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