[Chronique] "La transformation" selon Jean-Louis Beffa
Dans son dernier livre, l’ancien patron emblématique de Saint-Gobain Jean-Louis Beffa tire la sonnette d’alarme à l’adresse des patrons : il faut se préparer à la numérisation, à la "plateformisation" pour être plus précis. Comment faire ? Suivez ce guide, raconte l'Ipag Business School.
Pas le choix. Ni le temps de se poser mille questions : "Se transformer ou mourir", avertit sans ciller Jean-Louis Beffa. Ce mot d’ordre adressé aux grands groupes, le président d’honneur de Saint-Gobain en fait même le titre de son dernier ouvrage (1) comme pour bien se faire comprendre, tant l’heure lui semble grave.
D’ordinaire, l’homme aux larges épaules, aux grandes expériences industrielles et à la sobriété proverbiale, ne fait pas beaucoup dans l’hyperbole économique, mais avec la numérisation, les grandes entreprises doivent impérativement faire évoluer leur business model pour rester compétitives face à des start-up pleines d’ambition. "Il est urgent d’agir".
La disruption est au coin de la rue
La disruption est au coin de la rue, suggérait-il le 18 janvier dernier à l’hôtel de l’industrie lors d’une table ronde organisée par l’Association des cadres pour le progrès social et économique (Acadi) et l’Ecole de Paris. Il déclina une méthode à la façon d’un manuel de transition numérique destiné aux chefs d’entreprises. La création de plateformes constitue pour lui la pierre angulaire de tout édifice numérique : "un outil […] qui permet de s’adresser à une multitude d’interlocuteurs de façon unique et avec une interactivité". Certes, mais encore ? Justement, sa "plateformisation" repose sur quelques principes à suivre.
D’abord, le patron doit s’assurer en amont que l’entreprise dispose d’un système de gestion ERP (Enterprise Resource Planning) efficace, d’avoir établi un dialogue avec le client via un CRM (Customer Relationship Management) approprié et d’avoir mis en place une méthodologie de plateformisation ad hoc. Ensuite, il doit conduire en interne la suite du processus numérique. Autrement dit ne pas la déléguer à des consultants, sans quoi l’entreprise "ne se transformera pas de façon suffisante".
Plus précisément, il doit s’assurer que la transition est menée par un Chief Digital Officer (CDO), nommé par ses soins avec la contribution de la direction générale. Monsieur – ou Madame – plateforme veillera au suivi et au bon déroulement du processus, avec une attention particulière pour la constitution d’une banque de données régulièrement mise à jour et protégée. Le patron devra réaliser aussi une feuille de route des plateformes à bâtir, en évaluant leur degré de sophistication. Ces plateformes, décentralisées et bâties par chaque service, seront respectivement dédiées aux clients, aux fournisseurs, au personnel et aux partenaires et elles communiqueront ensemble à travers différents programmes (Application Programming Interface).
Garder un coup d'avance
Ce mode d’emploi de la numérisation doit s’accompagner d’un état d’esprit adapté à cette nouvelle donne : il faut de la souplesse pour contourner les chemins hiérarchiques traditionnels, parfois si serpentins, et ainsi faire collaborer des salariés plus expérimentés avec d’autres plus jeunes, disposant d’une culture digitale plus importante (les plus expérimentés ne devant pas nécessairement être ceux qui pilotent les différents projets).
En fait, les règles de l’industrie 4.0 imposent de toujours se projeter pour garder un coup d’avance. Jean-Louis Beffa insiste ainsi sur la nécessité d’instaurer une veille technologique regroupant notamment des experts en intelligence artificielle et en programmation afin de fournir une "boîte à outils" numérique aux opérationnels du groupe mais aussi bien évidemment de voir venir l’arrivée d’une start-up ultra-innovante.
Un supplément de vélocité, une fonctionnalité nouvelle peuvent ringardiser en un rien de temps une entreprise déjà très connectée aux nouveaux usages. "Si une start-up est en train de grossir avec quelque chose d’original alors très vite il faut soit la racheter, soit racheter et soutenir une start-up concurrente… soit tenter sa start-up interne en lui laissant une autonomie totale, quitte à en laisser hurler certains dans l’entreprise." La numérisation n’est pas un long fleuve tranquille (2).
Mathieu Levesque et Julia Vincent, IPAG Business School
L’Ipag Business School, membre de la Conférence des grandes écoles délivre un diplôme bac + 5, grade de master. Cette école de managements compte 2 000 étudiants en programme grande école. Son laboratoire de recherche est classé troisième parmi les business schools françaises au classement de Shanghai 2017.
- « Se transformer ou mourir, les grands groupes face au start-up », 2017, édition : Seuil.
- Une version complète de cette intervention sera publiée début juin en livre de poche au Point Seuil sous le titre « L'entreprise et la transformation numérique: se transformer ou mourir »
[Chronique] "La transformation" selon Jean-Louis Beffa
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