Birmanie : un eldorado vraiment ?
Le commissaire européen à l’industrie Antonio Tajani poursuit sa "mission for growth" avec une délégation d’hommes d’affaires en Birmanie. Isolé pendant plusieurs décennies, le marché fait rêver les entreprises européennes. Mais les défis sont énormes.
C’est le pays qui fait rêver les entreprises. Dans la délégation d’hommes d’affaires qui accompagne Antonio Tajani en Asie du sud-est, la Birmanie est, de loin, l’étape de loin la plus attendue du voyage. "C’est une terre vierge. Il y a tout à faire", résume le directeur des ventes d’un constructeur automobile, avant d’enchaîner les rendez-vous avec des clients potentiels, dans la grande salle de la chambre de commerce birmane à Rangoon. Comme au Vietnam, des rencontres d’affaires ont été organisées pour les entreprises européennes. Mais l’agenda est surtout cette fois à la politique.
Pour son escale birmane, le commissaire européen Antonio Tajani est d’ailleurs accompagné de Catherine Ashton, la responsable de la diplomatie européenne, ainsi que de deux autres commissaires européens pour lancer officiellement la "task force UE-Myanmar" mise en place par Bruxelles pour assister la Birmanie dans ses réformes.
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Amorcée en 2011, la transition démocratique n’est pas encore achevée. L’ouverture de l’économie est indéniable. Depuis la levée des sanctions européennes et américaines, début 2013, la Birmanie attire les investisseurs étrangers. Isolée du reste du monde pendant des décennies, le pays riche en hydrocarbures doit remettre à niveau toutes ses infrastructures, investir dans des centrales électriques, installer un réseau mobile.
Réforme sur les investissements étrangers
Depuis deux ans, le régime a engagé des réformes du droit des associations, de la loi sur les investissements étrangers et devrait achever d’ici la fin de l’année de réviser sa loi pour protéger la propriété intellectuelle, devenue complètement obsolète. "Les lois sont faites mais elles sont encore peu claires à interpréter", nuance Florence Grangerat, avocate pour le cabinet Audier & partners installée depuis un an à Rangoon, la capitale économique du pays. Résultat : aucune banque européenne n’est encore présente dans le pays.
"Les PME ont probablement plus d’opportunités car le pays doit importer dès maintenant des biens de consommation, des machines nouvelles. Pour les grandes entreprises, il est encore un peu trop tôt", estime pour sa part le représentant local d’un groupe du CAC 40, qui voit dans le pays un "nouveau Vietnam mais avec des fondations plus solides". Depuis le printemps, des petites entreprises dans le secteur des services ou des télécoms sont venus tenter leurs chances.
Des infrastructures encore défaillantes
Mais l’eldorado peut aussi s’avérer risqué. "Pour venir ici, il faut être prêt à investir et à se montrer patient", commente Aurélien Bayer qui a ouvert la filiale d’Ogas solutions, un spécialiste du placement de personnel pour le secteur pétrolier. Une prudence que partage aussi Mark Petrovic, en marge du forum d’affaires. "Tout demande plus de temps et plus d’énergie ici", raconte le directeur de la filiale du cabinet d’architecture Archetype, qui suit notamment la construction de Star city, un méga projet immobilier remporté par Bouygues dans la banlieue de Rangoon. Car la Birmanie n’est pas un pays low cost. La main d’œuvre y est plus chère et moins qualifiée qu’au Vietnam. Les coûts du logement ont flambé pour les expatriés depuis un an. Pour l’industrie, les coupures de courant, au moins trois ou quatre par semaines, et le manque d’infrastructure renchérissent aussi la facture.
L’incertitude vient aussi du niveau politique. Lors du forum économique à Rangoon, Aung San Suu Kyi, la leader de l’opposition et prix Nobel de la paix s’est chargée de le rappeler. "Ne venez pas avec des lunettes roses. Quiconque voudrait investir tout en ignorant totalement dans le même temps la nécessité d'amender la Constitution, manque de pragmatisme", a averti l’icône birmane qui bataille pour faire modifier un texte lui interdisant de se présenter à l’élection présidentielle prévue en 2015.
Solène Davesne
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