Best-of 2013 : le mouvement des "bonnets rouges"
Retour sur le mouvement social hors norme des bonnets rouges, né en Bretagne à l’automne 2013 et qui a fait reculer le gouvernement sur l’écotaxe poids-lourds.
Avant 2013, le "bonnet rouge" faisait référence au couvre-chef du père Noël, à celui du commandant Cousteau ou, pour les férus d’histoire, à une révolte de paysans en Bretagne au XVIIème siècle. Personne n’aurait pu prédire, au début de cette année, que ce bout de tissu vermeil allait revenir dans l’actualité, et déchainer les passions.
C’est en octobre 2013 qu’un mouvement social disparate, contre la pression fiscale en général et l’écotaxe en particulier, émerge et le choisit emblème. Une manifestation rassemble plus de 15 000 personnes, le 2 novembre à Quimper, et oblige le gouvernement à ouvrir le dialogue.
Cette lame de fond défie les classifications et résiste aux grilles d’analyse habituelles : dans les cortèges bretons se croisent aussi bien des patrons pestant contre les normes et les taxes que des salariés de l’agroalimentaire, victimes de plans sociaux. Le Medef côtoie FO au début du mouvement mais très vite, les centrales syndicales sont dépassées par la base et la plupart d'entre elles se désolidarisent du mouvement.
l'écotaxe suspendue
Les "bonnets rouges" poussent en tout cas l’Etat à réagir. Alors que les destructions de portiques écotaxe se multiplient, en Bretagne et dans le reste de la France, le Premier ministre décide de "suspendre" la nouvelle taxe le 29 octobre pour une durée indéterminée. Le dispositif devait entrer en vigueur le 1er janvier 2014. Un trio de ministres est chargé de conduire une concertation nationale sur le sujet. En attendant, les salariés messins d’Ecomouv, chargée de mettre en œuvre l’écotaxe poids-lourds, sont dans l’incertitude. Pour ne rien arranger, les conditions d’attribution du contrat à l’entreprise italienne sont mises en doute.
un pacte pour la bretagne
Autre conséquence du coup de colère breton : le gouvernement se met au chevet de la région, en particulier des entreprises agroalimentaires en grandes difficultés. Le 16 octobre, Jean-Marc Ayrault annonce la signature d’un "pacte d’avenir" pour soutenir l’économie locale. Le plan, doté de 2 milliards d’euros, est présenté en conseil des ministres le 4 décembre, et officiellement signé une semaine plus tard. Un plan qui manque d’ambition pour les "bonnets rouges", qui considèrent le texte comme une "escroquerie intellectuelle", un document "griffonné dans l’urgence par des cabinets parisiens". Les comités locaux des bonnets rouges, filant la métaphore révolutionnaire, annoncent l’organisation d’"états généraux de la Bretagne" en février 2014.
un mouvement hors normes
Surfant sur l'implication des patrons locaux dans ce combat politique, la CGPME a appelé les chefs d’entreprise à faire entendre leur voix lors des prochaines élections municipales. C’est aussi une leçon de communication : le mouvement a su se trouver un emblème (le fameux bonnet, donc), des porte-paroles charismatiques (comme le maire de Carhaix, Christian Troadec) et des alliés, à l’image du fabricant quimpérois Armor Lux qui a fourni une partie des bonnets rouges des manifestants, avant de se retrouver en rupture de stock... les marinières ont alors pris la place des bonnets rouges sur les lignes de production de l’entreprise bretonne…
et maintenant ?
Le mouvement des "bonnets rouges" ne sera-t-il qu’un épisode isolé dans le quinquennat Hollande ou annonce-t-il d’autres mobilisations originales ? Le mouvement breton parviendra-t-il à maintenir son unité ou éclatera-t-il en une multitude de groupes aux intérets divergents ? Le récent appel à combattre le projet d'aéroport de Notre-Dame des Landes divise au sein du mouvement, et pourrait accélérer la dispersion de ses membres.
Sylvain Arnulf
Pour aller plus loin : notre dossier sur le feuilleton de l'écotaxe poids-lourds
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