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Beatriz Arantes : "Sans prise en compte de la dimension affective, il ne peut pas y avoir d’organisation efficace du travail"
Beatriz Arantes est diplômée en psychologie organisationnelle et fonctionnelle. Cette trentenaire a rejoint les équipes de recherche du fabricant de bureaux Steelcase. Avec un designer et un ergonome, elle vient de se consacrer trois ans à un travail sur le bien-être au travail, et son influence sur les performances des salariés. Pour nous, elle revient sur les raisons qui vont pousser les entreprises à s’intéresser au bonheur de leurs employés et sur les moyens dont elles disposent pour l’améliorer.
L’Usine Nouvelle - Les entreprises sont-elles légitimes à s’intéresser au bien-être des salariés. Cela ne relève-t-il pas de la vie privée des personnes ?
Beatriz Arantes - Au contraire, je pense que les entreprises ont un rôle fondamental à jouer, car les salariés passent une part non négligeable de leur temps entre les murs de l’entreprise. Elles devraient au moins réfléchir à l’impact qu’ont sur la santé des personnes les conditions de travail, l’aménagement. Même si je ne crois pas qu’on puisse traiter différemment la santé ou les sentiments selon qu’on soit au travail ou chez soi. Les personnes sont un tout. Chacun vient travailler avec ses sentiments, ses émotions, et repart avec d’autres. Il faut donc considérer l’impact de l’environnement et des relations de travail sur la personne et sur son bien-être.
Si on se place du point de vue de l’entreprise, ont-elles un intérêt à s’intéresser au bien être des individus ? Leur but n’est-il pas plutôt de mettre en place une organisation productive efficace et rentable ?
Je ne vais pas vous citer tous les chiffres que nous avons rassemblés dans l’étude. Mais elle a montré que les salariés qui avaient un "meilleur ami" sur leur lieu de travail ont sept fois plus de chances d’être impliqués au travail. Et des salariés plus impliqués sont des salariés plus performants. Autrement dit, pour avoir une organisation productive efficace, on ne peut pas ignorer la dimension affective et sociale des personnes. En outre, le bien-être crée de bonnes conditions pour stimuler la créativité des salariés, une valeur que promeuvent de plus en plus les entreprises.
Quels leviers les entreprises peuvent-elles actionner pour améliorer le bien-être des salariés ?
Toutes les actions de l’entreprise communiquent des valeurs et ont, par conséquent, un impact sur les salariés. Pour rester sur le domaine qui est le notre, par les choix d’aménagement qu’elles font, les firmes transmettent des valeurs et promeuvent les comportements qu’elles attendent des salariés. Si vous créez des espaces de discussion informels, vous envoyez le message qu’avoir une discussion décontractée avec les collègues fait partie de la journée de travail. A l’inverse, si vous investissez dans le bureau fermé du dirigeant, vous mettez en lumière qu’il y a des salariés qui comptent plus que d’autres… L’espace et son aménagement sont un levier mais ne font pas tout. Ensuite, tout va dépendre des messages qu’envoient les dirigeants. Si le manager ne va jamais dans l’espace de discussion informel, les salariés vont hésiter à y aller eux-mêmes. Si on veut promouvoir un comportement, il faut envoyer l’image que c’est autorisé.
Autrement dit, la formule "Faites ce que ce je dis, pas ce que je fais", ne s’applique pas au manager ?
Exactement. Les êtres humains apprennent beaucoup par l’exemple. Et la culture est une question de comportement et de langage. On comprend les comportements voulus, autorisés grâce à l’exemple donné par les autres. C’est aujourd’hui d’autant plus important que les salariés sont plus sensibles qu’avant à l’écart entre les discours et les actes. Ils veulent de l’authenticité. C’est une demande très forte. Un manager qui n’est pas cohérent va créer du cynisme, un manque de confiance des collaborateurs et finalement, une moindre implication.
Justement, dans votre recherche, vous insistez sur le travail qui est de plus en plus créatif. Qu’est ce que cela change à l’organisation de l’environnement ?
L’importance croissante accordée à la créativité nous conduit à revoir notre manière d’organiser le travail. Le modèle prégnant s’inspire de l’industrie où prévaut la recherche de l’efficacité. On a, pour résumer, appliqué le modèle fordiste aux activités tertiaires, où chacun avait la même tâche. Or le travail est de moins en moins "procéduré". On demande aux salariés d’accomplir des tâches moins prévisibles mais qui demandent plus de réflexion. Les salariés doivent faire preuve d’imagination, de créativité, d’autonomie. Dans ces conditions, il n’est pas possible d’attendre qu’ils soient efficaces si on les laisse dans les mêmes types d’organisation et d’environnement.
Parmi les six tendances que vous avez identifiées, deux semblent contradictoires. Vous écrivez que les salariés veulent à la fois de l’authenticité, au sens où ils veulent pouvoir être eux-mêmes pleinement, tout en demandant de l’appartenance. Les deux sont-ils conciliables ?
Ce ne sont pas des demandes extrêmes qui s’excluent. Dans le monde d’avant, travailler cela voulait dire respecter des horaires stricts, occuper un poste, éventuellement porter un code vestimentaire, se consacrer à son petit domaine... C’est de moins en moins vrai, les salariés ont davantage de latitude pour être eux-mêmes. La recherche de créativité, dont nous venons de parler, favorise ce besoin d’authenticité, cette envie de travailler dans une entreprise dont on partage les valeurs et les missions.
Pour ce qui est de l’appartenance, les salariés sont aussi demandeurs d’occasions, d’espaces où ils peuvent se retrouver. A cet effet, la culture d’entreprise a un rôle majeur à jouer. On peut créer des moments où les gens se réunissent pour travailler ou échanger. Des occasions officielles ou informelles.
L’open-space qui a été présenté comme un progrès semble être devenu le repoussoir absolu. Peut-il y avoir du bien être en open-space ? Pourquoi cette forme est autant critiquée ?
Il est critiqué quand il n’est pas aménagé dans l’intérêt des usagers de l’espace de travail, mais que la préoccupation majeure a été de diminuer les mètres carrés pour réduire les dépenses de l’entreprise. Comme il n’a pas été pensé pour améliorer la performance et le bien-être au travail, il ne faut pas s’étonner que les gens s’y sentent mal. Le résultat est conforme à ce qu’on a voulu faire.
Quand on enlève les murs, on va demander aux personnes sur un même poste de collaborer, de téléphoner mais aussi de réfléchir. Dans le même espace ! Souvenez-vous quand vous étiez étudiant : pour travailler dans le silence, vous alliez en bibliothèque. Pour téléphoner, vous vous isoliez dans votre chambre et pour travailler avec d’autres étudiants, vous trouviez un autre espace, une salle de cours vide par exemple.
Il n’est donc pas raisonnable de mettre 300 personnes dans un même espace pour tout faire à la fois. Le pire c’est qu’on renvoie la responsabilité aux salariés pour gérer les tensions que cela provoque, alors que le problème est une question de mauvaise organisation du travail.
Propos recueillis par Christophe Bys
Le numéro de 360°, la revue de Steelcase, peut être consultée ici
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