BCE: Merkel tente de désamorcer la bombe des juges de Karlsruhe

par Paul Carrel
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BCE: Merkel tente de désamorcer la bombe des juges de Karlsruhe
Le gouvernement allemand réagira "de manière responsable et avec sagesse" à l'arrêt de la Cour constitutionnelle de Karlsruhe visant un des programmes d'achat d'actifs de la Banque centrale européenne et se servira de cette décision comme d'un élan pour aller plus loin dans la coordination de la politique économique dans la zone euro, a déclaré mercredi la chancelière Angela Merkel. /Photo prise le 13 mai 202/REUTERS/Hannibal Hanschke

BERLIN (Reuters) - Le gouvernement allemand réagira "de manière responsable et avec sagesse" à l'arrêt de la Cour constitutionnelle de Karlsruhe visant un des programmes d'achat d'actifs de la Banque centrale européenne et se servira de cette décision comme d'un élan pour aller plus loin dans la coordination de la politique économique dans la zone euro, a déclaré mercredi la chancelière Angela Merkel.

La décision rendue le 5 mai dernier par le tribunal constitutionnel fédéral de Karlsruhe a fait l'effet d'une bombe, remettant en cause la supériorité du droit communautaire européen sur les droits nationaux.

Dans sa décision, la Cour constitutionnelle allemande a donné trois mois à la Banque centrale européenne (BCE) pour démontrer que ses achats d'actifs sont justifiés, sous peine d'interdire à la Bundesbank, la banque centrale nationale allemande, d'acheter des emprunts d'Etats de la zone euro pour le compte de la BCE.

Ce jugement constitue un revers pour le programme d'achats de titres publics (Public Sector Purchase Programme, PSPP), l'un des principaux outils du plan d'assouplissement quantitatif (QE) de la BCE qui a permis depuis 2015 de limiter les coûts de financement des Etats membres en maintenant des taux bas.

Il contredit aussi une décision de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) qui a pour sa part validé le PSPP en 2018.

S'adressant devant les députés du Bundestag, Angela Merkel s'est efforcée mercredi de désamorcer la crise.

L'intervention de la chancelière allemande fait suite aux déclarations d'un des juges du tribunal de Karlsruhe qui, dans deux interviews distinctes, a prévenu que l'ouverture par l'Union européenne d'une procédure contre l'Allemagne après le jugement de la Cour constitutionnelle allemande sur la politique monétaire de la Banque centrale européenne "affaiblirait ou menacerait" l'UE elle-même.

"C'est à moi de respecter ce jugement", a déclaré Merkel. "Il s'agit à présent d'agir de manière responsable et avec sagesse pour que l'euro puisse continuer d'exister et que la Bundesbank puisse aussi prendre part aux opérations de la BCE."

Sans détailler la voie qu'elle emprunterait pour y arriver, elle a ajouté que l'arrêt de la Cour de Karlsruhe devait "nous motiver pour en faire plus afin d'accélérer l'intégration dans le domaine de la politique économique".

"Il doit y avoir davantage, et pas moins, d'intégration. Il ne peut pas être dit que changer les traités serait tabou."

"LA COUR CONSTITUTIONNELLE A DÉPOSÉ UNE CHARGE EXPLOSIVE

SOUS L'EURO ET SOUS L'UNION EUROPÉENNE"

Depuis le 5 mai, le choc provoqué à Karlsruhe est palpable dans les couloirs du pouvoir à Berlin, où les responsables allemands tentent de dégager une voie à même de satisfaire aux exigences des juges constitutionnels sans éroder l'indépendance de la BCE.

Résumant le sentiment général, un député allemand compare la situation à l'intervention de démineurs parce que, dit-il, "la Cour constitutionnelle a déposé une charge explosive sous l'euro et sous l'Union européenne".

Rencontrant lundi de hauts responsables de son parti démocrate-chrétien, Merkel, aux dires de deux participants, avait jugé que la situation était "réglable" si la BCE expliquait son programme de rachats d'actifs.

La Cour de justice de l'UE (CJUE) a rappelé vendredi qu'elle était "seule compétente" à se prononcer sur la conformité au droit européen des initiatives prises par les diverses instances européennes.

Et la présidente de la Commission européenne, l'Allemande Ursula von der Leyen, a évoqué dimanche la possibilité d'une procédure contre son pays d'origine, même si des responsables européens ont déclaré le lendemain que rien ne serait probablement entrepris dans l'immédiat.

LA BCE N'EST PAS LE "MAÎTRE DE L'UNIVERS"

Dans une interview accordée au Frankfurter Allgemeine Zeitung, Peter Huber, juge au tribunal de Karlsruhe, met en garde contre une procédure d'infraction qui, dit-il, "constituerait une escalade considérable, qui plongerait l'Allemagne et d'autres Etats membres dans un conflit constitutionnel difficile à résoudre".

"A long terme, cela affaiblirait et menacerait l'Union européenne", ajoute-t-il, en affirmant qu'une procédure d'infraction n'est "en aucun cas inévitable".

Qualifiant le jugement de la Cour de Karlsruhe d'"impératif", Peter Huber le décrit comme "un processus dialectique dans lequel chacun considère l'autre avec sérieux, discute les arguments de l'autre, est prêt à apprendre et à se corriger".

"La CJUE, d'un autre côté, semble plutôt avoir une conception hiérarchique, dans laquelle la dialectique ne joue pas un rôle aussi central", ajoute le juge de Karlsruhe.

Dans une autre interview, accordée à la Süddeutsche Zeitung, Peter Huber ajoute que la BCE, qui fixe la politique monétaire des 19 Etats membres de la zone euro, ne doit pas se prendre pour un "maître de l'univers".

Quant au président de la Cour de Karlsruhe, Andreas Vosskuhle, cité mercredi par l'hebdomadaire Die Zeit, il a qualifié la décision rendue la semaine dernière de contribution au débat. "Nous sommes fermement convaincus que cette décision est bonne pour l'Europe parce qu'elle renforce l'Etat de droit. Cela apparaîtra à moyen et à long terme", dit-il.

(avec Madeline Chambers, Michelle Martin et Andreas Rinke; version française Bertrand Boucey, Marc Angrand et Henri-Pierre André; édité par Jean-Stéphane Brosse)

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