BCE: Les marchés misent sur une hausse des achats de dette privée
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\ 14h39
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PARIS (Reuters) - La Banque centrale européenne (BCE) devrait annoncer jeudi qu'elle enfonce davantage son taux de dépôt en territoire négatif et qu'elle augmente ses rachats d'obligations d'entreprises, selon le consensus qui se dégage sur les marchés.
Le taux de dépôt baisserait ainsi de 10 points de base pour passer à -0,6% et la part des dettes privées dans les
achats mensuels de l'institut d'émission augmenterait dans une proportion qui reste à définir.
La BCE achète chaque mois pour 20 milliards d'euros d'actifs, principalement de la dette du secteur public. Depuis 2016, une partie de ce programme, baptisée CSPP (Corporate sector purchase programme), porte sur la dette d'entreprise.
En janvier, ces achats d'obligations d'entreprises ont représenté 5,74 milliards d'euros, soit un peu plus du quart du total, selon les données de la BCE.
"Le consensus du marché pour la BCE est une baisse de 10 points de base du taux de dépôt et une augmentation du programme de rachat de dette corporate (CSPP)" a déclaré Vincent Marioni, directeur des investissements crédit Europe chez Allianz GI, à Reuters lundi, soit trois jours avant la réunion de politique monétaire du Conseil des gouverneurs de la banque centrale.
Il reste à voir si la BCE augmentera le montant global de ces achats ou simplement la part du CSPP.
La présidente de la BCE, Christine Lagarde, a laissé entendre que sa préférence allait vers des mesures ciblées mais les marchés ne sauraient s'en contenter puisqu'ils évaluent désormais à 100% la probabilité que l'institution de Francfort annonce jeudi une baisse de dix points au moins de son taux de dépôt.
Ils misent désormais sur trois baisses de taux au total d'ici au mois d'octobre, contre deux la semaine dernière selon le baromètre "ECB Watch".
La BCE marche sur des oeufs après l'annonce en urgence, mardi dernier par la Réserve fédérale, d'une baisse de taux de 50 points de base, sans attendre sa réunion monétaire des 17 et 18 mars. Cette annonce a été suivie d'une poursuite de la chute des marchés d'actions et de l'écroulement des rendements obligataires.
Une simple correction, logique en fin de cycle avec des valorisations tendues, ne justifiait pas que la Fed agisse de la sorte, estime Franck Dixmier, directeur des gestions obligataires d'Allianz GI.
UNE RÉPONSE MONÉTAIRE "INUTILE, VOIR MALSAINE"
L'efficacité d'une baisse de taux sur un choc d'offre lié au dérèglement des chaînes d'approvisionnement, qui débouchera immanquablement sur un choc de demande provoqué notamment par les mesures de confinement, reste en outre à prouver, selon lui.
"L'intervention des banques centrales à ce stade est inutile, voire malsaine", juge-t-il.
Un avis que ne partage pas Philippe Müller, responsable des thématiques d'investissement chez UBS Wealth Management, qui estime au contraire que les décideurs de la Fed ont eu raison de frapper vite et fort.
"Ils voulaient agir rapidement de manière décisive et ils ont bien fait de le faire", a-t-il dit à Reuters.
"Cela stabilise l'économie et donne également le signal que les banques centrales sont disposées à en faire davantage, en gardant à l'esprit qu'il ne faut jamais sous-estimer leur créativité, mais ce n'est pas un remède contre les effets de la propagation du virus", a-t-il ajouté.
Selon Christopher Dembik, responsable de l'analyse marchés chez Saxo Bank, la BCE pourrait accélérer son agenda et annoncer dès cette semaine la création d'une facilité de prêt destinée spécifiquement aux entreprises petites, moyennes et de taille intermédiaire (PME/ETI).
Une baisse de taux ne fait en revanche pas consensus car elle implique des effets négatifs majeurs pour le secteur bancaire et financier, écrit-il dans une note.
Selon La Financière de l'Echiquier (LFDE), l'action des banques centrales est utile dans le contexte actuel parce qu'en faisant baisser les taux d'intérêt, elle permet aux Etats de s'endetter à moindre coût et de faire ainsi de la relance budgétaire.
"Il y a donc bien de la sagesse à invoquer les banques centrales contre le virus", écrivent dans une note Olivier de Berranger et Alexis Bienvenu, respectivement directeur de la gestion d'actifs et gérant pour LFDE.
"Certes, elles ne nous en guériront pas. Mais elles aideront les entreprises, les consommateurs et les Etats à passer la crise plus vite ou moins durement", ajoutent-ils.
"En cas de fièvre, appelez docteur Lagarde à Francfort."
(Edité par Marc Angrand)