A quelques kilomètres de Genève, le groupe chimique et pharmaceutique allemand Bayer dispose à Gaillard (Haute-Savoie) d’un site stratégique. Il s’agit de l’un de ses trois centres internationaux de R&D pour sa division de santé familiale, Bayer Consumer Care. Appelée aussi automédication, cette activité regroupe les médicaments sans prescription, dispositifs médicaux et compléments alimentaires que peuvent se procurer les consommateurs directement en pharmacie.
Un segment dynamique pour Bayer, qui représente déjà 17 % du chiffre d'affaires de sa branche pharmacie dans le monde. Le groupe allemand a réalisé 40 milliards d’euros de chiffre d'affaires en 2013.
Priorité à la recherche
Le site de Gaillard, qui héberge également une activité de production, a été créé il y a cinquante ans. Bayer s’en est emparé en rachetant l’activité automédication du laboratoire Roche en 2004, mais il a finalement choisi de céder l’usine en 2013 au sous-traitant pharmaceutique français Delpharm, pour ne garder dans son giron que la partie R&D, l’International Technical Center (IRT). Le seul moyen de "préserver l’emploi sur le site, car le taux d’utilisation de l’usine n’était plus suffisant", explique Dirk Ossenberg-Engels, directeur de la division Bayer Consumer Care France.
Delpharm a repris tous les salariés et continue d’y produire pour Bayer les comprimés contre les brûlures d’estomac de la marque Rennie et les vitamines effervescentes Supradyn et Berocca pour le marché européen.
Bayer : numéro deux français et mondial dans l'automédication
En France, Bayer est le numéro deux de l’automédication, entre les laboratoires hexagonaux Sanofi et Pierre Fabre. Une place qu’il occupe également sur ce segment à l’échelle mondiale, en se plaçant juste derrière la joint-venture entre les géants Novartis et GSK dans la santé grand public.
Le site de Gaillard est stratégique pour développer pour le monde entier de nouveaux compléments alimentaires, produits gastro-intestinaux et produits de dermatologie.
15 millions d'euros investis chaque année
"Bayer investit 15 millions d’euros chaque année dans notre centre", se réjouit Anne Eisele, la directrice R&D de l’IRT où travaillent 80 chercheurs et techniciens, aux côtés d’une centaine de salariés du siège de l’activité d’automédication, également localisé à Gaillard. Une force de vente de 150 commerciaux sillonne la France pour faire connaître leurs produits aux pharmaciens. Ces produits requièrent bien moins d’investissements en R&D que les médicaments classiques, car la phase de recherche est écourtée. "Leurs principes actifs sont déjà bien établis, avec une efficacité et une sécurité reconnues", explique Anne Eisele.
Jusqu'à dix-huit mois de R&D pour de nouveaux produits
Ses équipes se consacrent au développement de nouvelles formulations et contenants, pour améliorer la texture, la prise en main du produit ou l’adapter à des peaux plus sensibles, comme les crèmes à appliquer lors du changement de couches des nourrissons. Un travail qui peut prendre jusqu’à dix-huit mois et demande une excellente connaissance des matériaux ainsi que des équipements permettant de réaliser tests physiques et analyses sensorielles. Au sein d’un vaste laboratoire analytique, équipé d’appareils de haute technologie (chromatographie, spectrométrie), sont réalisés des analyses et tests in vitro afin de valider la formulation.
Si le produit est jugé satisfaisant, il sera alors soumis à des essais cliniques chez l’homme, dont les lots cliniques sont fabriqués dans un laboratoire pilote de l’IRT, protégé par un nouveau sas de décontamination, aux équipements correspondant à un dixième de l’échelle d’une usine. En cas de tests concluants, l’équipe de transposition industrielle de Gaillard se chargera alors d’aller former l’un des sites de production du groupe qui sera chargé de fabriquer ce produit pour le monde entier.
Gaëlle Fleitour