[Avis d'expert] Vaccin contre le Covid-19 : les biosciences, grandes oubliées en France ?
Longtemps pionnière des biosciences, la France s'est faite distancée dans la course au vaccin par les Etats-Unis, la Chine ou plus près de nous le Danemark. Pour Antoine Baule, directeur général de Lesaffre, ce retard peut encore être rattrapé au prix d'un effort massif.
Jamais un vaccin n’aura été développé aussi vite sur la planète. C’est un formidable exploit qu’a ainsi réalisé le monde scientifique, très fortement aidé par une mobilisation de capitaux publics hors du commun. Il y a encore dix ans, malgré tout l’or du monde, une telle prouesse n’aurait pas été possible. Pourquoi ? Parce que les biosciences, souvent appelées par raccourci sémantique sciences de la fermentation, connaissent une révolution globale aussi puissante que les sciences dites de la "Tech".
Les biosciences : un potentiel infini et des applications multiples
Pasteur, en découvrant que des microorganismes étaient à la source de la fermentation du pain, du lait, du vin ou de la bière, est à l’origine de ces biosciences qui sont allées toujours plus loin dans la connaissance de leur structure et de leur fonctionnement, en décomposant leur ADN et leur ARN, puis dans le même mouvement celui des cellules humaines.
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Alors qu’il y a vingt ans, plus de cinq années ont été nécessaires pour séquencer le génome d’une levure, on est capable aujourd’hui d’en décrypter plus de quatre par jour sur des séquenceurs à haut débit. Aujourd’hui, on connait de mieux en mieux les milliards de microorganismes qui composent notre microbiote, et quels rôles ils jouent dans notre système immunitaire, mais aussi dans notre psychisme, et bien sûr dans notre santé digestive. Aujourd’hui, les sciences de la fermentation nous permettent de toujours mieux comprendre comment des bactéries transforment le lait en fromage, et quelles souches sont spécifiques pour quels goûts ou quelles textures… Tout comme dans la fermentation du malt qui peut conduire à une infinité de bières aux goûts si variés !
Toutes ces avancées fulgurantes dans des domaines aussi divers reposent sur les progrès de la recherche fondamentale en biosciences, dans laquelle le monde a investi depuis des années des milliards de dollars. C’est ainsi que les biosciences ont réalisé des travaux fondamentaux sur l’immunité et sur l’ARN messager, dont les résultats ont permis une mise en œuvre dans un vaccin à une vitesse inégalée.
La France, jadis pionnière des biosciences, doit désormais revenir dans la course
De nombreux pays, comme les Etats Unis, la Chine ou, plus près de nous le Danemark, ont depuis longtemps fait le pari de la recherche fondamentale en biosciences ou sciences de la fermentation pour constituer un formidable socle commun à des applications dans la biopharmacie, l’agroalimentaire ou la chimie verte.
La France, le pays de Pasteur, le véritable fondateur des sciences de la fermentation, a quant à elle plutôt traité ce domaine en parent pauvre, et fait aujourd’hui pâle figure dans cette course au vaccin. En effet, notre industrie pharmaceutique, qui a longtemps parié sur la chimie organique, a pris le virage de la biopharmacie avec beaucoup de retard.
Et ce n’est que la partie émergée de l’iceberg ! En effet, peu de nos concitoyens savent que la production d’acides aminés, des constituants essentiels de l’alimentation animale obtenus par fermentation, est réduite en France à la portion congrue. Peu savent que la production de ferments pour les produits laitiers, dont l’origine est en France, est aujourd’hui pour une bonne part entre les mains d’une grande multinationale américaine.
Est-il trop tard pour bien faire et revenir dans la course ? Certainement non ! Nos universités, nos centres de recherche, nos étudiants, nos start-up sont au tout premier plan mondial. Ce dont notre pays souffre, c’est d’un sous-investissement chronique dans les biosciences. Le plan de relance par ses subventions ciblées sur les domaines stratégiques pour notre pays constitue une occasion unique de changer la donne, tant sur le plan de la recherche fondamentale que sur celui de l’investissement dans les filières industrielles concernées. Pour revenir dans la course, il faut que cet effort soit vraiment massif, et aussi complet que celui qui accompagne la tech. Nos architectes du plan de relance, qui ont déjà accompli beaucoup, prendront-ils la mesure de cet enjeu ? C’est peut-être notre dernière chance…
Antoine Baule, Directeur Général de Lesaffre
Les avis d'experts sont publiés sous l'entière responsabilité de leurs auteurs et n'engagent en rien la rédaction de L'Usine Nouvelle.
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