[Avis d'expert] Malgré la pandémie, pas de trêve en vue pour la guerre des talents
À l’heure de la crise, le concept de "guerre des talents" doit être redéfini dans un périmètre plus large. Celui d’un sujet interne à l’entreprise qui pose avant tout la question de l’inventaire exhaustif des compétences et de l’organisation d’une véritable mobilité interne en son sein. Mais aussi et surtout la question du développement des compétences indispensables pour préparer l’avenir, estime Pierre Gousset, vice-président Europe de Workday.
Aborder le sujet de la guerre des talents à l’heure de la pandémie, alors que de nombreux secteurs d’activités souffrent énormément de la crise, peut sembler baroque. Beaucoup de salariés ont peur de perdre leur emploi et de très nombreuses entreprises se veulent résilientes. En cette période de "stop and go", chacun fait le gros dos en attendant que ça se passe...
Une guerre sans trêve
Néanmoins, deux facteurs sont à prendre en compte. Tout d’abord, certains secteurs se portent très bien. En pleine croissance, ils peinent à recruter et se battent pour des compétences rares. Ensuite, les crises sont aussi toujours des opportunités pour les meilleurs talents. Quel que soit le domaine d’activités, on observe une mobilité de ces ressources bien plus grande qu’avant le confinement. De ce point de vue, la guerre des talents ne connaît pas de trêve, la crise lui a donné un nouveau visage. Pour les directions des ressources humaines, confrontées à des défis inédits, c’est un révélateur : cette bataille se joue bel et bien aujourd’hui, au cœur même de leur entreprise.
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La guerre des talents, une problématique devenue interne à l'entreprise
Le temps d’un nouveau monde où le travail à distance généralisé réinventerait de fond en comble la guerre des talents n’est pas encore advenu. En pleine crise sociale et économique du coronavirus, la compétition organisée autour de l’offre et de la demande pour des ressources externes à l’entreprise n’est plus vraiment d’actualité pour beaucoup. Pourtant, plus que jamais la recherche de talents fait rage, mais dans une acception à redéfinir : comme un sujet interne à l’entreprise.
En France, le plan de relance et autres aides de l’État masquent mal la déferlante, au niveau mondial, de plans sociaux dans les grands groupes. Des secteurs comme l’aéronautique ou l’aérospatial, particulièrement touchés, ont annoncé de vastes plans de restructuration. Mais face à ces stratégies conjoncturelles, la question pour les directions des ressources humaines se fait encore plus prégnante : quels talents conserver pour s’assurer que la restructuration ne va pas s’accompagner d’une perte de connaissances et de compétences clés, préjudiciable à l’avenir de l’entreprise ?
Ce n’est d’ailleurs pas un problème spécifique aux politiques de désinvestissement. Quand une entreprise redéploie ses activités sur une nouvelle géographie ou sur le digital, elle se pose les mêmes questions : de quels talents ai-je besoin ? Combien ? Comment faire la transition entre les nouvelles et les anciennes compétences ? À quel coût ? Sur quelle durée ? À l’heure où beaucoup ont compris qu’il serait très difficile d’aller chercher ces compétences clés sur un marché hypercompétitif, c’est bel et bien un sujet de mobilité interne qui se pose. C’est en effet le nouveau visage du phénomène : une guerre des talents en interne pour identifier les compétences à garder versus celles que l’on pourrait externaliser ou sur lesquelles on pourrait carrément faire l’impasse.
Les DRH plus que jamais confrontées au devoir d’inventaire
Quand on doit accompagner des changements aussi brutaux, la connaissance par l’entreprise de ses talents devient un enjeu crucial. Combien de talents ? Quand ? Combien cela va-t-il coûter ? La plupart des DRH peinent aujourd’hui à fournir la réponse à ces questions. Et pour cause : l’information n’est pas disponible et les données sont parfois très difficiles à obtenir, à agréger et à mettre en cohérence à l’échelle de l’entreprise.
En matière de connaissance de l’organisation et d’inventaire des talents, les cartographies de compétences et autres "competency frameworks" qui ont prévalu ces dernières années ne sont plus adaptes : ils sont le plus souvent trop complexes, difficiles et coûteux à maintenir, et très rarement généralisés à l’ensemble de l’organisation, tant du point de vue des population cibles que des compétences ou des aptitudes couvertes. Or aujourd’hui, le sujet fondamental qui se pose à beaucoup de secteurs d’activités est l’inventaire à grande échelle des aptitudes et des compétences détenues par l’entreprise, pas sur un simple groupe de salariés.
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Ce travail d’inventaire est un impératif pour organiser enfin une vraie mobilité interne au sein des entreprises. Et pour s’atteler à d’autres chantiers comme une réflexion stratégique autour des formations ou encore de l’expérience employé. Mais aussi au développement de nouvelles compétences, qui n’existaient pas auparavant ou qui n’étaient pas aussi importantes qu’aujourd’hui. Si résilience et flexibilité cognitive sont par exemple des soft skills que les entreprises s’arrachent, comment les appréhender et les évaluer ?
Le DRH en première ligne
Au cœur de l’organisation et de la gestion des compétences, le DRH est en première ligne pour livrer cette bataille des talents. Si les chantiers ne manquent pas, préparer l’avenir et faire passer l’entreprise dans un monde post-Covid n’est pas le moindre de ses défis !
À l’heure de la crise, le concept de guerre des talents doit être redéfini dans un périmètre plus large. Celui d’un sujet interne à l’entreprise qui pose avant tout la question de l’inventaire exhaustif des compétences et de l’organisation d’une véritable mobilité interne en son sein. Mais aussi et surtout la question du développement des compétences indispensables pour préparer l’avenir.
Pierre Gousset, vice-président Europe de Workday
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