[Avis d'expert] Les véhicules autonomes n’ont pas besoin de 5G pour rouler
La conduite autonome aurait besoin de la 5G pour prendre son envol, et la 5G compterait sur cet usage pour accélérer son déploiement. Pas si sûr, estime Guillaume Vaquero, expert en numérique et technologies émergentes chez Wavestone.
5G et véhicules autonomes sont souvent évoqués de pair : la conduite autonome aurait besoin de la 5G pour prendre son envol, alors que la 5G compterait sur cet usage pour accélérer son déploiement - les véhicules connectés représenteraient ainsi 53% du trafic IoT en 2023 selon une étude Gartner (octobre 2019). A l’heure où la France attribue seulement ses licences 5G et où l’Europe hésite autour du cas de Huawei, ces tergiversations vont-elles impacter le développement du véhicule autonome en Europe ?
La connectivité ou le don d’ubiquité
Si l’avènement d’un véhicule complètement autonome semble encore incertain, le glissement progressif de l’humain vers la place de simple passager paraît déjà acté. Pour accroître leurs capacités et finir de convaincre des automobilistes encore dubitatifs, les véhicules seront équipés de solutions de connectivité toujours plus développées. Celles-ci permettront aux véhicules d’aller au-delà de ce que peuvent détecter humains et capteurs embarqués, pour interconnecter autres véhicules, infrastructures, piétons et internet, et ainsi s’informer mutuellement des intentions, de l’état et des risques détectés par chacun.
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Cette connectivité entre le véhicule et son environnement (V2X ou Vehicle-to-Everything) offre de nombreux cas d’usages : informer de l’arrivée d’un véhicule dans une zone sans visibilité, détecter des piétons sur la voie en dehors des passages cloutés, prévenir des conditions de circulation ou météorologiques, voire synchroniser les feux tricolores avec le trafic. Des capacités qui permettront de tirer toute la quintessence du véhicule autonome.
Un développement sans la 5G?
Pour transformer cette connectivité en réalité, deux standards technologiques s’affrontent : WiFi et réseau cellulaire (4G/5G). Ce dernier (à travers la technologie Cellular-V2X qui en est la déclinaison pour le monde automobile) est évidemment dopé par les avancées offertes par la 5G : hausse des débits, communications à faible latence, hausse de la densité de connexions, etc… Des avancées bienvenues alors que les besoins de divertissement à bord vont être décuplés par ce nouveau format de transport. Au-delà de ces performances, la 5G apporte également un niveau de fiabilité et de sécurité inédits. Toutes ces promesses font de la 5G une technologie attractive pour répondre aux enjeux du véhicule autonome.
Est-elle pour autant indispensable au véhicule autonome ? Rien n’est moins sûr : la sécurité d'un véhicule ne peut pas dépendre de la qualité de service d'une infrastructure télécom telle que la 5G, ou toute autre connectivité. Il est en effet impossible de garantir des télécommunications opérationnelles 100% du temps, en particulier dans des conditions extrêmes : phénomènes météo, pannes électriques majeures, etc.
Par ailleurs, la 5G n’est pas encore prête : son déploiement est encore embryonnaire en Europe et ses fonctionnalités les plus avancées ne seront disponibles qu’avec la publication des prochaines versions de la norme, prévues ces 2 prochaines années. D’ici là, la 4G, avec sa couverture déjà large (jusqu’à 87% du territoire en France en 2019) et ses performances honorables, permettra de couvrir l’essentiel des cas d’usages automobiles.
Certes, la 5G élargira le champ des possibles pour le véhicule autonome : supervision vidéo, contrôle à distance ou encore contrôle de pelotons de véhicules (platooning), tout en atteignant des niveaux de sécurité et de fiabilité inégalables par la 4G. Mais elle n’est pas pour autant la condition sine qua non à son développement. La connectivité doit davantage être identifiée comme une sécurité additionnelle aux capacités du véhicule. Il s’agit aussi d’un moyen d’apporter une intelligence collective aux automobiles qui puisse s’inscrire dans l’écosystème des territoires intelligents.
La France et l’Europe à l’heure du choix…
Un parc conséquent de véhicules – autonomes ou non – et d’infrastructures compatibles doit se développer pour donner un sens au V2X: ce qui exige une standardisation internationale. Si la Chine a déjà choisi la 5G, les doutes subsistent à l’échelle mondiale et l’Europe n’a pour l’heure pas choisi son standard, au risque de voir les deux technologies cohabiter sur les mêmes territoires.
Cette situation rappelle celle de la téléphonie mobile 2G aux Etats-Unis, où deux standards se sont affrontés dans les années 90 sur le même marché. Les espoirs de course à l’innovation avaient vite été douchés par des coûts d’interopérabilité élevés entraînant un ralentissement du déploiement. Un arbitrage de l’Union Européenne éviterait cet écueil, et pourrait faire vaciller la compétition d’un côté ou de l’autre. Une décision rassurerait également les opérateurs télécom, dans un contexte où le retour sur investissement de la 5G demeure incertain.
Le véhicule autonome n’attendra pas la 5G pour éclore, et sa sûreté devra être démontrée indépendamment de ses capacités de communication. Néanmoins, il demeure indéniable que la 5G lui apportera des avantages majeurs, tant sur le plan de l’expérience utilisateur que dans son intégration à un parc automobile non-autonome. A condition de voir émerger un standard unique.
Guillaume Vaquero, expert en numérique et technologies émergentes chez Wavestone
Les avis d'expert et tribunes sont publiés sous la responsabilité de leurs auteurs et n'engagent en rien la rédaction de L'Usine Nouvelle.
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