[Avis d'expert] Les start-up biotech : un renouveau possible pour l’industrie de demain

La crise sanitaire que nous traversons doit être l'occasion de prendre conscience des nécessités d'une production industrielle plus respectueuse de l’environnement et d'une souveraineté d’approvisionnement, selon Olivier Rolland, directeur général de Toulouse White Biotechnology (TWB), un démonstrateur préindustriel qui développe de nouvelles voies de production durables, en favorisant le développement d'une bio-économie basée sur l'utilisation du carbone renouvelable.

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[Avis d'expert] Les start-up biotech : un renouveau possible pour l’industrie de demain
Olivier Rolland, DG de Toulouse White Biotechnology (TWB).

Le Covid-19 met les usines à l’arrêt avec des conséquences lourdes sur la production et l’emploi. Au milieu du désastre sanitaire et économique, la lutte contre le changement climatique tire son épingle du jeu : une baisse de la pollution de l’ordre de 20 à 30% a été constatée en premier lieu pour la région de Wuhan en Chine et aujourd’hui dans les pays européens touchés par l’épidémie. Plus que jamais, cette situation nous montre la réalité des émissions de gaz à effet de serre. Autre leçon : notre dépendance industrielle vis-à-vis des pays étrangers. Ces constats doivent nous amener à réfléchir à l’avenir de notre industrie. Dans cette période de morosité, nous pouvons entrevoir des lueurs d’espoir avec une prise de conscience des nécessités de productions industrielles plus respectueuses de l’environnement, de souveraineté d’approvisionnement, de réindustrialisation du territoire et de création d’emploi et de valeur. Les start-up des biotechnologies industrielles offrent des solutions d’industrialisation éco-responsables.

Start-up biotech : les tremplins vers l’industrie de demain

Très souvent, les jeunes entreprises mises au-devant de la scène sont celles du digital. Moins connues, mais qui révolutionneront profondément notre outil industriel, les start-up biotech seront capables de fournir des solutions durables. L’enjeu : redéfinir un modèle industriel en le basant sur l’utilisation de ressources renouvelables, locales si possible. Dans l’union européenne, la bioéconomie est un secteur qui pèse 2 300 milliards € et emploie 18,6 millions de personnes. En France, le secteur affiche une bonne dynamique de croissance de plus de 5% par an. Plus de 700 start-up ont été recensées en Europe dans ce domaine. Quelles solutions nouvelles proposent-elles ? Parviendront-elles à s’installer durablement sur le marché ?

Outre la baisse de la pollution évoquée en préambule, la crise liée au coronavirus soulève une autre problématique pour les industriels : celle de la sécurisation de l’approvisionnement. Aujourd’hui, avec la mondialisation des flux, les usines à l’arrêt en Chine impactent trop fortement le marché en Europe. A l’inverse, la bioproduction permet d’envisager une production locale, avec certes des volumes plus faibles, mais un vrai potentiel de viabilité économique, en exploitant des gisements locaux. Elle constitue ainsi une réponse à la souveraineté nationale dans certains domaines stratégiques. Une situation opportune pour les start-up qui sont en train de développer des solutions alternatives issues du vivant.

Les start-up biotech œuvrent à la construction de nouvelles voies de production. Elles ne sont toutefois pas encore matures : elles sont dans la même situation que celle des entreprises de la pétrochimie il y a plus de 100 ans. Les raisons ? Le coût de la biomasse s’avère en effet élevé (concentration en carbone plus faible que dans les produits fossiles et gisement beaucoup moins dense). Le temps de développement est plus long, notamment pour façonner des produits aux performances répondant aux besoins du marché et démontrer que la bioproduction peut fonctionner à un niveau industriel et être économiquement viable. Pour parvenir à développer leurs solutions, les start-up en biotech doivent pouvoir s’appuyer très tôt sur des investisseurs pour subvenir à leur besoin en capital tout en recherchant des partenaires stratégiques commerciaux pour les aider, notamment en termes de développement produit et d’entrée sur le marché.

Dans leur quête de fonds, aussi bien aux Etats-Unis qu’en France, les start-up biotech jusqu’à présent entrent bien souvent trop tôt en Bourse, parfois même sans avoir démontré la preuve de la viabilité économique de leur produit. Or, comme dans toute entreprise cotée en bourse, l’équipe dirigeante se trouve dans une situation plus contrainte, moins flexible et perd en autonomie. L’idéal reste de faire une entrée en Bourse seulement lorsque la start-up a prouvé son modèle et trouvé son(ses) application(s).

Par ailleurs, les financements proposés aujourd’hui s’arrêtent très vite et donc sont peu adaptés aux start-up biotech qui, contrairement aux start-up du digital, ont besoin de bâtir un outil industriel pour démontrer leur capacité à produire et à fournir au marché un produit désirable et durable. Les financements nécessaires sont donc plus conséquents (de 50 à 100 M€ en moyenne) et doivent pouvoir être accessibles sur une plus longue période. Le modèle de garantie de prêt souvent utilisé aux Etats-Unis, permettant aux start-up de construire un business plan et de promouvoir leur développement grâce à une garantie de l’Etat sur le long terme, constitue une solution nécessaire mais pas suffisante. Au-delà, l’Etat peut jouer un vrai rôle afin de sécuriser la première phase de croissance des start-up biotech comme une prolongation du régime fiscal de Jeune Entreprise Innovante (JEI) (durée trop courte aujourd’hui pour le pas de temps des biotechnologies industrielles), des mesures incitatives auprès des clients de ces start-up, une réglementation sur les produits adaptés.

Start-up et grands groupes industriels : vers un nouvel équilibre

Aujourd’hui, l’industrie a plus que jamais besoin de créativité et d’innovation de rupture pour repenser ses offres, et les start-up apportent une contribution importante en réponse à cette demande, comme l’a défendu vivement Didier Miraton (Professeur au Collège des Ingénieurs et investisseur, ayant occupé notamment les postes de Gérant du groupe Michelin et Directeur Général des laboratoires Pierre Fabre) lors du TWB START-UP DAY 2020.

Les grands groupes industriels en ont bien pris la mesure. A noter que contrairement à d’autres secteurs, les industriels favorisent jusqu’à maintenant d’autres options que le rachat traditionnel de start-up dans le domaine des biotechnologies industrielles. Que ce soit le capital-développement avec un investissement dans le capital de la start-up, la joint-venture pour structurer le montage de la production industrielle, l’open innovation pour accélérer la R&D ou encore l'intrapreneuriat pour encourager le développement d’idées "out of the box". Ce sont des solutions gagnantes-gagnantes. Pour l’industriel, ces configurations lui permettent d’être au cœur même de l’innovation et de la canaliser pour l’amplifier. Pour la start-up, elle trouve ainsi le moyen de se faire aider par un industriel pour développer son produit tout en sauvegardant son potentiel d’innovation sur d’autres domaines d’application et sans sacrifier son indépendance.

Enfin, dans un monde où l’adaptation devient la règle de survie face à la vitesse des changements enregistrés (technologiques, économiques, environnementaux, sociétaux), la start-up représente un modèle d’agilité, qualité dont l’industrie a besoin aujourd’hui pour se renouveler. Le propos est donc bien de défendre la conciliation entre ces deux modèles économiques et managériaux des start-up et de l’industrie, l’innovation restant le maître-mot de l’industrie de demain. Cette agilité s’accompagne cependant d’une certaine vulnérabilité, à laquelle l’Etat peut apporter des solutions fortes. D’ailleurs, le Pacte productif initié par l’Etat français ne s’y trompe pas : il vise à construire un nouveau modèle respectueux de l’environnement pour atteindre le plein emploi, avec cinq mots clés, transition énergétique, numérique, industrie, agriculture et agroalimentaire, innovation. Dans ce contexte, la France rassemble bien tous les acteurs, notamment les start-up, pour implémenter (ou plutôt renouveler) la filière industrielle bioproduction qui répondra également aux enjeux de souveraineté nationale.

Olivier Rolland, directeur général de Toulouse White Biotechnology (TWB)

Les avis d'expert sont publiés sous la responsabilité de leurs auteurs et n'engagent en rien la rédaction de L'Usine Nouvelle.

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