[Avis d'expert] Le RH, partenaire de croissance plutôt que gestionnaire de crise
Covid, confinement et déconfinement... on le sait maintenant, ont obligé les entreprises à s'adapter rapidement. Certaines l'ont vécu comme une contrainte. Mais cela peut être aussi une opportunité, estime dans cette tribune Sabine Hagège, directrice HCM product strategy EMEA chez Workday. La Covid a aussi contraint les entreprises à accélérer des mutations déjà en cours.
Après plusieurs mois cloîtrés chez eux, la plupart des salariés retrouvent progressivement le chemin de leur bureau. Pour autant, le "retour à la normale" est encore loin – si tant est que cette expression ait encore un sens. En effet, il semble acté que les entreprises que nous avons quittées au mois de mars appartiennent, selon l’expression consacrée, au monde d’hier. A l’heure actuelle, beaucoup d’entre elles naviguent à vue et sont encore en gestion de crise. Le DRH se situe en première ligne, et ses priorités ont changé : l’obligation de sécurité des collaborateurs et les conséquences de la réduction d’activité sont devenues ses premières préoccupations. De prime abord, le contexte semble peu épanouissant pour la profession. Mais c’est au contraire le moment ou jamais de penser l’entreprise de demain, celle que les jeunes générations appelaient de leurs vœux déjà avant le confinement. Pour cela, la fonction RH doit s’appuyer sur les outils qui ont permis aux organisations d’être résilientes ces derniers mois. Propulsée dans l’ère du numérique, elle aura ainsi les moyens de redonner du sens à sa mission et de servir la croissance de l’entreprise.
Le digital RH en première ligne
Le premier constat qu’on peut dresser en ce début de déconfinement est sans appel : ont mieux tenu le choc les organisations où le "digital RH" a tenu les rênes. En effet, il était fondamental d’optimiser les processus dans les meilleurs délais et de simplifier le quotidien des employés : cela supposait notamment de leur donner un accès facile aux informations, de fluidifier le parcours d’intégration des nouveaux arrivants, de trouver rapidement les personnes capables de mener à bien les missions les plus critiques… Autant de tâches impossibles sans avoir construit au préalable un environnement de travail connecté et inclusif.
D’après l’étude menée par l’ANDRH, 46 % des sociétés n’ont pas eu le matériel suffisant pour gérer la crise. Ont donc bénéficié d’un formidable avantage comparatif celles qui ont maintenu le lien avec leurs collaborateurs et leur ont permis de se former et de s’informer, usant pour cela d’outils intuitifs et mobiles. Ont également tiré leur épingle du jeu les entreprises qui ont réussi à être agiles en modélisant rapidement des réorganisations et en les validant en temps réel, sans lourdeur administrative, et en affectant les collaborateurs là où leurs compétences étaient le plus nécessaires. A titre d’exemple, les acteurs de la grande distribution ont dû et, dans l’ensemble, pu constituer des équipes en urgence pour pallier l’absence d’une partie de leur personnel.
Préparer demain : quels enseignements tirer ?
De ces succès, il convient de s’inspirer pour s’adapter aux tendances déjà à l’œuvre avant le confinement, et qui vont continuer à s’amplifier. Le premier chantier va être de donner à tous ceux qui le souhaitent les moyens de travailler à distance tout en réfléchissant aux réseaux de sociabilité à mettre en œuvre pour garantir et consolider le sentiment d’appartenance. Selon toute vraisemblance, nous ne reviendrons pas en arrière sur le télétravail, et un fonctionnement hybride semble bien être le futur de l’entreprise.
Ensuite, il va falloir s’attaquer à la problématique du sens au travail, prégnante depuis que divers observateurs ont mis en cause le "travail sans qualité". Déjà décrié, ce dernier ne sera définitivement plus acceptable après des semaines passées à applaudir les soignants à 20h. Les talents attendent de travailler sur des initiatives à fort impact, au sein d’équipes pluridisciplinaires. L’enjeu va donc être de permettre aux employés de se développer tout en répondant aux besoins de l’entreprise. Pour cela, le RH devra s’appuyer sur le machine learning afin de rapidement identifier les compétences des collaborateurs et connecter ces derniers aux projets qui conviennent à leur profil.
Enfin, dans un contexte où les nouvelles technologies vont refaçonner la plupart des métiers et en créer d’autres, il est essentiel d’assurer la formation des talents d’aujourd’hui et de ceux qui vont arriver sur le marché de l’emploi. Ces derniers vont devoir maîtriser les nouveaux outils, mais également renforcer leurs soft skills afin d’être capables d’appréhender les problématiques de leurs clients et les chaines de valeur dans leur ensemble. Certains géants du e-commerce ont déjà mis en œuvre une politique de formation ambitieuse en nouant des partenariats avec des universités. Il appartient désormais à toutes les entreprises de donner à leurs employés les moyens d’être autonomes vis-à-vis des parcours d’apprentissage et de carrière qu’ils ont envie de construire. Un des biais privilégiés pour ce faire sera les modules d’e-learning, que les employés peuvent utiliser à leur gré où et quand ils le souhaitent.
Toutes ces missions sont celles d’aujourd’hui et non celles de demain. A vrai dire, il y a fort à parier que l’organisation de la résilience aura un effet d’accélérateur sur la construction de la croissance. Pour reprendre les mots d’Andrew McAfee, la situation aurait été bien pire il y a 10 ans. Grâce à la technologie, le RH a mis en œuvre les conditions du maintien d’activité. Grâce à la technologie, il transformera un contexte subi en opportunité.
Sabine Hagège, HCM product strategy EMEA chez Workday
Les avis d'experts sont publiés sous l'entière responsabilité de leurs auteurs et n'engagent en rien la rédaction de L'Usine Nouvelle.
[Avis d'expert] Le RH, partenaire de croissance plutôt que gestionnaire de crise
Tous les champs sont obligatoires
0Commentaire
Réagir