[Avis d'expert] L’industrie française cherche ses volontaires !
Pour attirer les CV, il est temps que la France lance un plan Marshall de l'attractivité de l'industrie. Une tribune de Laurent Laporte, Président de Braincube.
Lors d’une récente intervention pour parler de transformation numérique devant les acteurs majeurs de l’industrie papetière française, je me suis entretenu avec l’un d’eux. Convaincu de la nécessité de se transformer rapidement et bien au courant des enjeux à court et moyen terme sur la compétitivité des usines, qu’il s’agisse de la réduction de la consommation énergétique ou de l’augmentation de la part des matériaux recyclés par exemple, mon interlocuteur m’a laissé entendre que cela ne serait pas suffisant pour éviter la remise en cause de l’existence même de son usine. Et ce, non pas à cause d’un manque de compétitivité, mais à cause d’un manque de main d’œuvre à embaucher !
Je vous parle ici d’une usine modèle, très automatisée, en pointe au niveau mondial sur ses performances et ses résultats. Une usine qui ne devrait pas être inquiète pour sa survie. Et pourtant, ce ne sont pas les (trop) lourds impôts de production, le passage à l’euro, les 35 heures peu adaptées à la rotation des équipes de production, le poids des charges sociales et salariales souvent pointées du doigt, ou le mauvais positionnement produit (cette usine fabrique le haut de gamme de sa catégorie), mais bien l’attractivité de l’industrie française qui est en cause. Concrètement, les usines ne reçoivent plus de CVs à leurs annonces d’emploi !
Un savoir-faire national dévalorisé
L’industrie, secteur historique de la France, le pays des grands ingénieurs inventeurs, base autrefois fondamentale de notre économie, n’attire plus personne. Ce sont près de 50 000 emplois non pourvus chaque année. Pourtant, moins d’un quart des Français se déclare prêt à travailler dans l’industrie s’il le fallait. Et c’est probablement la menace principale actuelle qui pourrait empêcher le redressement industriel de notre pays.
Les chiffres officiels sont trompeurs. On entend régulièrement que l’industrie ne représente que 12% des emplois en France et détruit de l’emploi. Si on considère qu’il y a eu beaucoup d’externalisation de fonctions, depuis les bureaux d’études, en passant par la production ou les services support comme la maintenance ou la sécurité, la vraie proportion de la population active qui travaille directement dans l’industrie est plus proche des 25% d’après les dernières estimations du Gimelec. On accuse aussi facilement les robots, ou l’arrivée de solutions d’intelligence artificielle comme les premiers destructeurs d’emplois dans l’industrie, alors que paradoxalement ces nouvelles technologies peuvent agir en tant que sauveurs et renforcer l’attractivité pour une nouvelle catégorie d’ingénieurs ou de salariés. L’attractivité de l’industrie est un enjeu stratégique pour la santé économique de la France.
Alors si nous voulons relancer pour de bon notre économie, il est temps de lancer un plan Marshall de l’attractivité de l’industrie. Il est aujourd’hui nécessaire de sortir des salons professionnels pour créer un rendez-vous annuel de l’usine du futur avec pour point d’orgue, la promotion de la qualité des jobs dans l’industrie. Il faut identifier les nouveaux héros de l’économie, ces chefs d’entreprises qui se sont transformés et performent, ces ingénieurs qui conçoivent et industrialisent des produits de grande qualité, et ces ouvriers qui exercent leurs talents dans un environnement agréable, technique, technologique et surtout humain et mettre tout ce beau monde sur le devant de la scène. En France, on est fier de notre industrie du luxe, il faut désormais être fier de notre industrie manufacturière. Il faut trouver les nouveaux mannequins de la France, et les faire défiler sur scène. Il faut arrêter de diaboliser ce qu’on ne comprend pas, comme les nouvelles technologies, et bien au contraire apprendre à les utiliser pour redevenir des champions. Nous en avons les compétences. Mais en aurons-nous le courage ? L’avenir de l’industrie française et de notre économie au sens large dépend en premier lieu de son niveau d’attractivité. Nous avons devant nous une opportunité historique de réindustrialisation. Et le levier principal de réussite est un changement d’attitude collectif. Vive l’industrie française 4.0.
Par Laurent Laporte, Président de Braincube.
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