[Avis d'expert] Docteur et créateur d’entreprise : est-ce vraiment impossible ?

Malgré la convergence accrue entre le monde de la recherche et celui de l’entreprise, une barrière résiste encore : celle de la création d’entreprise par des enseignants-chercheurs, alerte Sylvain Rougemaille, docteur en informatique, spécialiste de l’intelligence artificielle, et co-fondateur de Brennus Analytics.

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[Avis d'expert] Docteur et créateur d’entreprise : est-ce vraiment impossible ?
Sylvain Rougemaille docteur en informatique, spécialiste de l’intelligence artificielle, co-fondateur de Brennus Analytics

La R&D dans les entreprises mobilise 251 440 emplois en équivalent temps plein dont 66 % de chercheurs ou ingénieurs, en 2015 (selon l’étude "L'état de l'Enseignement supérieur et de la Recherche en France"). Ces chiffres témoignent d’une convergence
accrue entre le monde de la recherche et celui de l’entreprise, dont témoignent de nombreux autres signes : crédit-impôt recherche, multiplication des Lab’ et départements R&D, diffusion de la culture start-up auprès des grands groupes, avec la volonté de "disrupter", pour utiliser le terme désormais consacré. En tout, les entreprises implantées en France ont dépensé plus de 31,8 milliards d’euros de R&D en 2015 !

L’entreprise, un laboratoire comme les autres ?

Paradoxalement, une barrière résiste encore : celle de la création d’entreprise par des enseignants-chercheurs. Car l’écart culturel qui sépare les entrepreneurs et les docteurs semble persister. Entre une recherche fondamentale suspecte de gaspiller les fonds publics
en études futiles (comme le pointe avec humour les Ignobel) et des entrepreneurs caricaturés en requins motivés par le seul appât du gain, existe-t-il un espace pour des chercheurs-entrepreneurs ? L’entreprise peut-elle devenir un laboratoire comme les autres ? Le parcours de certains des membres fondateurs de Brennus Analytics, docteurs en intelligence artificielle et entrepreneurs, permet de tirer quelques enseignements pour réduire cette distance.

Born to be … what ?

Le premier constat est que personne ne naît entrepreneur, et qu’il est dur de le devenir. Ou du moins de le devenir seul. Un créateur d’entreprise est un chef d’orchestre : administratif, commercial, management, ressources humaines, finances… rien ne lui échappe, mais rien ne lui est épargné. Le premier conseil semble donc simple… Ne pas se lancer seul, mais s’entourer d’associés aux compétences et aux profils complémentaires.

Au-delà du partage des tâches, c’est aussi, et surtout, une question de perspective. Ainsi, c’est grâce à une connaissance précise du marché, tenue par des associés porteurs d’une vision business, que les docteurs de Brennus Analytics ont pu identifier un secteur prometteur, où la technologie d’intelligence artificielle qu’ils maîtrisent (les AMAS), s’applique à merveille : l’optimisation des prix.

Faudra-t-il créer des speed-datings entre chercheurs et entrepreneurs ? Peut-être pas, mais force est de constater que les espaces de dialogue restent encore peu nombreux au regard des opportunités existantes.

T’es docteur et t’as pas fait médecine ! (Non, mais, allo !)

Docteur. Il y a bien le médecin de famille... Mais s’il n’a pas fait médecine, quel étrange métier est-ce là, docteur ? Un doux rêveur ? Un intellectuel déconnecté des contingences matérielles ? Un professeur Tournesol, sur lequel un Tintin vigilant doit veiller pour éviter le pire ? On loue les cadres, mais on se méfie des docteurs. Trop chers. Pas assez impliqué. Des divas. Halte ! Le docteur est un cadre comme les autres, formé à résoudre un problème. Et même très efficace pour le faire ! Alors, pourquoi ne pas pousser la logique jusqu’à l’entrepreneuriat ? Un docteur est un associé précieux : méthodologie, expérimentation, rigueur et inventivité…

Les chercheurs coûtent cher ? L’entrepreneuriat est aussi une réponse adaptée à ce problème, le risque, et donc la prime de risque, se liant naturellement dans le parcours de créateur.

Il faut dépouiller le docteur des clichés qui l’entourent encore trop souvent pour en faire un cadre (presque) comme les autres.

Plus de crédits ou plus de crédit dans la recherche ?

Et si la question qui se pose n’était pas d’accorder plus de crédits à la recherche, mais bien d’accorder plus de crédit à la recherche ! Moins de sous, mais plus de confiance. Les fondateurs de notre société maîtrisent une technologie unique qui rebat les cartes sur le
marché de la fixation des prix. Peu importe, pour nos clients, les dessous de cette technologie. Ce qui leur importe (et à nous aussi) est qu’elle vient alimenter la réponse à un besoin métier précis, et sans laquelle aucune autre solution ne serait apportée.

Pour être à la mode, il serait commode de parler de disruption. Mais ayons l’audace d’appeler cela de la satisfaction client. Ce n’est pas un gros mot, même dans la bouche d’un chercheur. Au contraire, c’est le seul étalon qui importe. Car c’est à cela que se mesure, en termes "business" le crédit qu’on accorde à la recherche, appliquée à une problématique métier. Et contrairement à ce que l’on pourrait croire, le chercheur-créateur d’entreprise n’est pas imperméable à la culture client.

Comme le disait Michael Dell "Il n’y a pas meilleur catalyseur du succès que la curiosité". Cette curiosité, c’est peut-être la qualité qui réunit le plus chercheur et entrepreneur. Pour faire de l’entreprise, un véritable laboratoire de la réussite.

Sylvain Rougemaille, docteur en informatique, spécialiste de l’intelligence artificielle, et co-fondateur de Brennus Analytics

Les avis d'expert sont publiés sous la responsabilité de leurs auteurs et n'engagent en rien la rédaction de L'Usine Nouvelle.

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