Tout le dossier Tout le dossier
-
Energie
Avenir du nucléaire, énergies renouvelables, taxe carbone... Le vrai du faux
-
Biomasse
La PPE, occasion pour Emmanuel Macron d’enfin faire de la transition énergétique l’affaire de tous
-
Energie
Pourquoi il ne faut pas (trop) amortir les effets de la taxe carbone
-
Energie
Et Emmanuel Macron transforma la PPE (et la SNBC) en une stratégie française énergie climat
-
Energie
Les vrais enjeux de la PPE
-
Energie
Les sept bonnes nouvelles de la PPE pour EDF, Engie et toute l'industrie
-
Energie
Les trois choix structurants d’Emmanuel Macron pour sa stratégie énergie climat
-
Vincent Champain
Industrie et climat : quelles perspectives d’avenir ?
Avenir du nucléaire, énergies renouvelables, taxe carbone... Le vrai du faux
Qu’ils soient pro ou antinucléaire, écologistes ou industriels, des lobbys de l’énergie véhiculent certaines idées subtilement fausses sur la transition énergétique en France. L’Usine nouvelle a enquêté sur 10 de ces affirmations pour vous aider à les décrypter.
Mis à jour
20 novembre 2018
Idée fausse n° 1 : L’énergie en France est déjà décarbonée grâce au nucléaire
Ne pas confondre énergie et électricité. Cette dernière ne représente que 24,7 % de la consommation d’énergie en France en 2017 (selon le Datalab du gouvernement). Les énergies fossiles (pétroles, charbon et gaz naturel), importées et très émettrice de CO2, ont représenté 63,7 % de la consommation. Le solde de 11,6 % est fourni par la biomasse, les déchets et de la chaleur produite en cogénération.
Sinon, effectivement, grâce à l’électricité nucléaire et hydroélectrique, en 2014, la France n’émettait 4,57 tonnes de CO2 par habitant, contre 16,35 en Amérique du nord, selon la Banque Mondiale. Mais la France n'est qu'à peine en-dessous de la moyenne mondiale, qui était à 4,95 t de CO2 par habitant il y a quatre ans. Et si la tendance des émissions de gaz à effet de serre était baissière grâce aux politiques d’économies d’énergies des entreprises notamment, les émissions de CO2 sont reparties à la hausse en 2017. Elles ont augmenté de 3,2 % à cause de l’arrêt de centrales nucléaires pour des raisons de sûreté, au profit de centrales thermiques gaz et charbon, d’un climat défavorable à l’hydraulique mais aussi de la croissance économique de 2 % (selon le Commissariat général au développement durable).
VOS INDICES
source
Idée fausse n° 2 : La taxe carbone doit financer la transition énergétique
Le principal objectif de la contribution climat énergie (CCE), la taxe carbone française, n’est pas de financer la transition énergétique mais de changer les comportements des consommateurs et de motiver les entreprises à réaliser des investissements qui ne seraient pas rentables sans cette fiscalité. Par exemple le biométhane ne sera compétitif avec le gaz naturel importé "qu’avec une taxe carbone à 140 euros et si on arrive à baisser les coûts de production à 60 €/MWh" (contre environ 90 aujourd’hui), explique Didier Holleaux, directeur général adjoint gaz d’Engie.
Et c’est pourquoi fin 2017, le Parlement a voté une nouvelle trajectoire pour la CCE. De 7 euros la tonne de CO2 en 2014, elle est passée à 30,50 euros/t CO2 en 2017, 44,60 euros/tCO2 en 2018 et devrait atteindre 86 euros en 2022.
Sinon, les recettes de la CCE ont représenté 6,4 milliards d’euros en 2017. Et globalement, la TICPE, qui inclue la CCE, ramène environ 34 milliards d’euros au budget de l’état (et devrait atteindre 37 milliards en 2019). Une partie est fléchée vers le financement des énergies renouvelables via un compte d’affectation spécial transition énergétique (CAS TE).
Idée fausse n° 3 : La France a besoin de 6 nouveaux EPR
Ce chiffre de six réacteurs nucléaires EPR à construire en France entre 2025 et 2035 est issu du rapport Escatha-Collet-Billon (classé secret défense mais qui a judicieusement fuité en pleine préparation de la PPE) sur "le maintien des capacités industrielles de la filière nucléaire en vue de potentielles nouvelles constructions de réacteurs". Est-il crédible ?
Recommencer à construire vite, et en série (d’où le chiffre de 6), des EPR, serait en effet indispensable à la filière nucléaire pour maintenir ses compétences, qu’elle avait perdues comme on peut le constater avec le catastrophique chantier de l’ERP de Flamanville.
À LIRE AUSSI
[Nucléaire] François de Rugy veut dissocier la fermeture de Fessenheim de la mise en service de Flamanville
Dans l’optique où la France souhaite maintenir 50 % d’électricité nucléaire dans son mix électrique, la construction de nouveaux réacteurs en replacement de ceux du parc historique - qui même prolongés de 10 voire 20 ans seront bien arrêtés un jour - a également du sens, n’en déplaise aux écologistes.
A moins que la France ne décide de programmer la sortie du nucléaire, la question de la construction d‘un nouveau parc se pose. Mais rien ne presse, même en comptant un délai de dix ans entre la décision de construction et la mise en service d’un réacteur.
Quant à savoir s’il faudra reconstruire 1, 3, 6 voire 8 ou 9 (comme le propose la SFEN) EPR en plus de celui de Flamanville, attendre qu’EDF et Framatome développent l’EPR 2 - plus simple et moins coûteux à construire - ou acheter des réacteurs au design japonais ou chinois… La question reste ouverte.
L’Elysée pencherait pour la construction de 3 nouveaux EPR. François de Rugy, ministre de la Transition écologique et solidaire, repousse la décision entre 2021 et 2023.
Idée fausse n° 4 : L’Europe oblige EDF à renégocier ses concessions hydroélectriques
"C’est la France qui s’est engagée, en 2008, à mettre ses concessions hydroélectriques en concurrence. Ce n’est pas Bruxelles qui nous l’a demandé", a rappelé Élisabeth Ayrault, la présidente de CNR, lors d’une rencontre avec la presse en mars 2018. Au moment où la France négociait avec l’Europe des droits plus importants sur le nucléaire et les tarifs régulés, elle aurait d’elle-même donné ce "gage".
Depuis, la France traîne à s’exécuter. Et Bruxelles a lancé deux procédures contre l’État français. La première concerne des articles de la Loi de transition énergétique pour la croissance verte de 2015, qui autoriserait la prolongation de concessions contre travaux, ce qu’interdirait Bruxelles. La Direction de la concurrence européenne reproche aussi à l’État français d’avoir verrouillé le marché et d’avoir prolongé, sans mise en concurrence, environ 180 ouvrages exploités par EDF.
Idée fausse n° 5 : La consommation électrique va augmenter (à cause des véhicules électriques)
Cela pourrait paraître logique, mais c’est faux. Les estimations de RTE (le transporteur d’électricité) à l’horizon 2035 pour un déploiement d’environ 10 millions de véhicules électriques tablent sur une consommation électrique supplémentaire de 40 TWh, soit 7 % de la consommation française. En mettant en regard ce chiffre et la tendance à la stagnation, voire à la baisse (RTE parle de -0,5 % par an), de la consommation électrique française, celle-ci ne sera impactée qu’à la marge par une arrivée massive de véhicules électriques. Le véritable enjeu sera de gérer l’appel de puissance pour le réseau de cette recharge dans sa dimension spatiale (concentrée en ville) et temporelle (à 18h-19h, en rentrant du travail, lors de la pointe de consommation actuelle), explique le Syndicats des énergies renouvelables.
En revanche, la consommation mondiale d’électricité va beaucoup augmenter. Selon les projections de l’Agence Internationale de l’Energie, elle passera de 19 % de la demande totale d’énergie aujourd’hui à 30 % en 2040.
Idée fausse n° 6 : Les emplois des renouvelables sont tous partis en Chine
La France compte 107 000 emplois dans les énergies renouvelables, dont 30 000 dans la biomasse et les biocarburants, selon l’Irena. Un nain sur le plan mondial (0,12 % des emplois du secteur). C’est trois fois moins que l’Allemagne et ses 325 000 emplois, dont 160 100 dans le seul éolien. Mais 107 000, c’est quand même la moitié de la filière nucléaire (220 000 emplois).
Certes, on est loin des 800 000 emplois promis lors du Grenelle de l’environnement. Et ces 107 000 emplois sont très peu industriels. C’est la Chine qui truste la production de panneaux photovoltaïques, et avec la Corée et le Japon, celle des batteries lithium ion. Quant aux éoliennes, elles sont produites par des Allemands, des Danois et des Américains. Mais liés au montage de projets, à leur construction et leur maintenance, ces emplois sont en revanche non délocalisables.
Idée fausse n° 7 : La France sera autonome en gaz en 2050
C’est ce qu’espèrent les industriels du gaz, Engie en tête. Et une étude technico-économique de l’Ademe de janvier 2018, montre que c’est faisable en développant massivement la production de biogaz par méthanisation et de gaz de synthèse par gazéification ou power-to-gas. Cette technologie permet de produire du gaz de synthèse à partir du captage de CO2 industriel et d’hydrogène vert produit à partir d’électricité renouvelable.
La France aurait bien les intrants (biomasse, déchets, CO2…) nécessaires pour produire jusqu’à 460 TWh de gaz renouvelable injectable dans le réseau, dont 30 % par méthanisation. La demande, elle, devrait chuter en France en 2050 à 286 TWh. Mais avant que les gaz renouvelables ne soient compétitifs avec le gaz naturel, il y a loin. Il faudra une taxe carbone à 200 euros la tonne, pour faire le poids, préviennent les experts de l’Ademe. D’ici là, les industriels cherchent déjà industrialiser le process de méthanisation, la seule des trois technologies qui soit mature. Pour le moment, le gaz renouvelable ne pèse que 0,05 % de la consommation française de gaz.
Idée fausse n° 8 : L’intermittence des énergies renouvelables menace le réseau électrique
Le réseau électrique est parfaitement capable d’absorber la variabilité des énergies renouvelables car celle-ci peut être anticipée grâce à des prévisions météorologiques ayant des marges d’erreur très faibles à J-1 (3 % maximum), explique le Syndicat des énergies renouvelables. Le réseau français absorbe déjà plus de 7 % d’électricité intermittente. Cet été, le solaire photovoltaïque a atteint un taux de couverture de la consommation de 14 % au niveau français pendant plusieurs heures sans que le système ne s’effondre.
Le Portugal a déjà tourné à 100 % d’énergies renouvelables pendant plusieurs jours. L’Allemagne atteint des taux annuels de pénétration de l’ordre de 40 % au niveau national et bien plus élevés sur certaines régions. L’inconnu est ce qui se passerait si les pays auxquels ils sont connectés disposent de la même quantité d'énergies intermittentes sur leur réseau, observe néanmoins le cabinet Colombus Consulting. Le Danemark arrive par exemple à intégrer plus de 45 % d'éolien sur son réseau mais il profite de l'hydraulique norvégien qui permet à la fois de stocker l'énergie et de répondre à la demande d'électricité quand il n'y a pas assez de vent.
Idée fausse n° 9 : Le nucléaire reste compétitif (face aux renouvelables)
En France, c’est vrai… aujourd’hui. Avec un coût de production “cash “ de 33 euros par mégawattheure calculé par EDF, l’électricité nucléaire française est même très compétitive. Mais à 60 euros le MWh, comme l’avait calculé la Cour des comptes en 2014, en tenant compte des coûts cachés (loyer économique, provision pour démantèlement, déchets, rénovation…), le nucléaire commence à se heurter aux énergies renouvelables.
Surtout, le parc historique n’est pas éternel. Et le nouveau nucléaire s’annonce très cher. "Partout où il est possible d'accéder à des chiffres fiables, il apparaît que les nouveaux réacteurs, ceux qui sont en construction ou en projet actuellement, ne sont pas compétitifs", observe le consultant Thibault Laconde. Au Royaume Uni, EDF a négocié l’électricité qui sera produite à Hinkley Point C à 104 €/MWh durant 35 ans. Le double des coûts annoncés pour l’éolien offshore en mer du Nord.
Certes, les renouvelables ne "fournissent pas le même service de centrales pilotables assurant une stabilité au réseau, observe Nicolas Goldberg du cabinet Colombus Consulting. C’est pourquoi le nucléaire préfère se comparer au gaz." Mais même Xavier Ursat, directeur exécutif d’EDF en charge du nouveau nucléaire reconnaît que “démontrer la compétitivité du nucléaire face aux autres moyens de production d’électricité" est un enjeu pour EDF, dans sa capacité à construire d’autres EPR à l’étranger. Mais aussi en France…
Idée fausse n° 10 : Développer les énergies renouvelables coûte trop cher
L’État consacre plus de 5 milliards d’euros par an au développement des énergies renouvelables. Pour certains, cet argent serait mieux utilisé en aides directes aux Français à la transition énergétique, pour changer leur chaudière au fioul par exemple. "Ce serait vrai à un instant T, mais le but de ce soutien aux renouvelable est de préparer l’avenir", observe Éric Vidalenc, blogueur et expert de l’Ademe. L’avenir allant vers une production plus décentralisée d’énergies décarbonées avec une moindre dépendance au nucléaire.
Et cette politique de soutien, lancée dans les années 2000 et qui a effectivement coûté très cher, a néanmoins porté ses fruits. Aujourd’hui, l’éolien terrestre et le solaire photovoltaïque représentent 7,6 % de la consommation électrique des 12 derniers mois (9,4 % avec les bioénergies et 22 % avec l’hydraulique). Les nouvelles installations sont compétitives avec des prix situés entre 55 et 65 €/MWh, explique le Syndicat des énergies renouvelables (SER). En 2008, produire 1 MWh d’électricité solaire coûtait 500 euros.
SUR LE MÊME SUJET
20Commentaires
RéagirPARCOURIR LE DOSSIER