Avec un budget record, l'Europe du spatial donne la priorité au climat
Le conseil ministériel de l’Agence spatiale européenne (Esa) s’est clôturé le 28 novembre à Séville (Espagne). Le budget record de 14,4 Md€ accordé par les ministres pour les trois à cinq années à venir est supérieur à ce qui était attendu. Lors des négociations, l’accent a été mis sur l'observation de la Terre et l'étude du climat avec le programme Copernicus. Le volet exploration, avec la station spatiale internationale, la Lune et Mars, était également au centre des discussions.
« Vous avez devant vous un directeur général heureux. » Lors de la conférence de presse qui a clôturé le Conseil ministériel de l’Agence spatiale européenne (Esa) le 28 novembre, son directeur, Jan Wörner, avait le sourire aux lèvres. Et pour cause : après deux jours de concertations, les ministres des 22 Etats membres de l’Esa ont approuvé un budget record de 12,5 milliards d’euros (Md€) pour les trois ans à venir, qui grimpe à 14,4 Md€ avec les engagements supplémentaires accordés aux programmes financés sur cinq ans (voir répartition ci-dessous).
Une somme légèrement supérieure à ce qui avait été proposé lors de l’ouverture (14,3 Md€) , et bien plus que ce qui avait été décidé en 2016, lors du précédent conseil (10,3 Md€). « C’est une surprise et une immense satisfaction, renchérit Jean-Yves Le Gall, président du Centre national d'études spatiales (Cnes). C’est le résultat d’une très bonne préparation qui va de pair avec un intérêt croissant pour l'espace, et notamment deux thèmes qui ressortent de la conférence : le climat et l’exploration. »
Les montants entre parenthèses correspondent aux engagements supplémentaires accordés pour les programmes financés sur cinq ans.
Un programme Copernicus renforcé
Avec plus de 2,5 Md€ engagés, le volet lié à l'observation de la Terre rafle la plus grosse part du gâteau, notamment avec son programme Copernicus qui obtient 1,807 Md€ : « C'est 400 millions d’euros (M€) de plus que ce qui était proposé, indique Josef Aschbacher, directeur des programmes d’observation de la Terre. Copernicus aide largement à l’étude du climat qui est une priorité absolue. »
Ce montant supplémentaire servira notamment à développer des satellites de mesure du CO2 plus performants, précise M. Aschbacher : « Il nous a été demandé d’améliorer la résolution pour atteindre 2 km x 2 km, d’augmenter la largeur de fauchée de 50% ou encore de distinguer les émissions naturelles de celles dues aux activités humaines, ce qui nécessite des instruments supplémentaires. » De plus, la mission d’imagerie hyper-spectrale du programme, baptisée Chime, embarquera finalement sur sa propre plateforme, alors qu’elle devait initialement être envoyée à bord de la prochaine génération de satellite Sentinel-2. « Cela aura un coût supplémentaire », ajoute le directeur.
Un quart de l’exploration dédié à la Lune
Le volet exploration obtient 1,953 Md€ pour poursuivre l’exploitation de la station spatiale internationale et développer des missions vers Mars et la Lune. « Environ un quart de ce budget sera dédié à la Lune, déclare David Parker, directeur de l’exploration. Environ 300 M€ iront au « Lunar Gateway », 150 M€ aux activités robotiques sur la Lune et le reste au module de service de la capsule Orion. » Si le « Lunar Gateway » et la capsule Orion sont développés en partenariat avec l’Agence spatiale américaine (Nasa), une coopération franco-allemande souhaite également envoyer un « lander » sur la Lune dans le cadre de l’Esa. Cela avait été annoncé le 16 octobre, lors du 21ème conseil des ministres franco-allemand. « Nous n’en sommes qu’au lancement des études pour l'instant », précise M. Le Gall.
Vers Mars, le budget ira notamment à la mission Mars Sample Return en coopération avec la Nasa. Les financements ont également été sécurisés pour permettre le lancement - en 2020 - et la poursuite de la mission ExoMars en coopération avec la Russie.
L'Allemagne dope ses engagements
La participation de la France s’élève à 2,664 Md€, plus ou moins comme prévu (2,5 Md€). Toutefois, elle perd sa place de première contributrice au budget de l’Esa au profit de l’Allemagne qui souscrit 3,294 Md€ (voir tableau ci-dessous). Jean-Yves Le Gall tient néanmoins à nuancer : « L'Allemagne a augmenté ses engagements parce qu'elle a un intérêt dans le climat et l'exploration, mais il faut être prudent en comparant les montants engagés. Ils ne sont pas tous sur la même période. Ceux de la France sont sur trois ans, tandis que ceux de l'Allemagne concernent une période plus longue. Il faudra refaire les calculs en détail. Mais globalement, nous sommes au coude à coude. » L’Italie et le Royaume-Uni viennent ensuite. Quoi qu'il en soit, tous repartent de Séville avec des missions plein les valises.