Avec le succès, le bio va devoir changer d'échelle selon la Coface

Pour répondre à l’explosion de la demande de bio, les exploitations et entreprises françaises de l’agroalimentaire doivent impérativement augmenter les surfaces et rendements, estime l’assureur-crédit Coface. 

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Avec le succès, le bio va devoir changer d'échelle selon la Coface

A quelques jours de la clôture officielle, le 21 décembre, des Etats Généraux de l’Alimentation, lors desquels l’émergence du bio a été au cœur de nombreux débats, la Coface met les pieds dans le plat. Même si l’alimentation biologique ne représentait encore que 3,5% des ventes de l’agroalimentaire en 2016, ce segment croit fortement, avec un marché qui devrait dépasser les 8 milliards d’euros dans l’Hexagone et 14% de hausse cette année. Crises sanitaires (grippe aviaire, viande de cheval…) et débats autour des pesticides et des OGM ont poussé nombre de consommateurs à se tourner vers des aliments perçus comme plus simples et sains, au moindre impact sur l’environnement. Mais les exploitations et entreprises françaises vont devoir s’adapter si elles veulent être à la hauteur du rendez-vous, selon le spécialiste mondial de l’assurance-crédit.

Des tailles d'exploitations à augmenter

Car, à l’heure actuelle, les exploitations bio sont trop petites en France pour répondre à la demande, d’où une remontée inquiétante des importations depuis 2016 : 29% des aliments bio sont ainsi produits au-delà de nos frontières. "Malgré la réticence d’acteurs qui craignent que l’on aille vers une agriculture plus intensive, l’agrandissement des surfaces paraît inévitable, estime Bruno De Moura Fernandes, économiste à la Coface. Avec deux avantages : des économies d’échelle et une meilleure qualité des produits, car elle permet de réduire le risque de contamination par les surfaces environnantes, et donc de résidus de pesticides".

Une hausse des surfaces indispensable à ses yeux pour assurer la rentabilité des producteurs, alors que l’agriculture bio requiert deux fois plus de main d’œuvre que la conventionnelle, et pour augmenter leur pouvoir de négociation auprès des industriels transformateurs ou des distributeurs. Dans 21 des 28 pays de l’Union Européenne, "les exploitations bios sont en réalité plus grandes que les conventionnelles", assure-t-il. Or, à l’heure actuelle, les industriels du bio, toujours plus nombreux – spécialisés comme Bjorg ou Léa Nature, ou aux gammes de produits dédiées comme Les 2 Vaches chez Danone – et en bonne santé, peinent encore à s’approvisionner dans l’Hexagone, comme dans la boulangerie ou la charcuterie. La faute à des filières bio encore trop faibles en volumes ou peu structurées. La réponse s’inscrira donc dans le nombre de conversions et d’augmentation surfaces bio, qui semblent à nouveau repartir.

La mort de la philosophie du bio ?

Mais le bio pourra-t-il garder sa philosophie originelle, questionne la Coface. Car sur ce marché où coexistait jusqu’alors différents réseaux, avec un fort poids des enseignes spécialisées et indépendantes comme Biocoop, l’appétit de la grande distribution – qui rachète (Naturalia dans le giron du groupe Casino, Greenweez, leader français du e-commerce bio, croqué par Carrefour) ou crée ses propres magasins ou gammes bio - pourrait changer la donne. Elle détient déjà 45% de parts sur le marché bio, et, au rythme actuel, pourrait passer à 60% dans dix ans, voire 90% dans vingt ans, selon la Coface.

Mais garantira-t-elle les circuits courts, une moindre empreinte carbone ou la meilleure répartition de la valeur ajoutée, alors que Carrefour et Leclerc se vantent de vendre leurs produits bio 20 à 30% moins chers que les enseignes spécialisées ? En janvier dernier, plusieurs patrons emblématiques du bio (Biodéal, Biocoop, l’Agence Bio, Ekibio et Synabio) s’en étaient inquiété dans un Manifeste, rappelant "que la filière s’est construite autour d’une vision solidaire et durable de la société".

Des produits bio hexagonaux toujours plus chers ?

Enfin, se pose la question du financement de ce marché. "Toute chose égale par ailleurs, les filières davantage converties à l’agriculture biologique ont été plus résilientes sur la période", observe l’assureur-crédit. Mais elles restent encore très dépendantes des aides publiques (aide à la conversion, au maintien, et crédit d’impôt), que l’Etat entend diminuer. Pour le ministre de l’Agriculture Stéphane Travert, c’est en effet "au marché de soutenir le maintien de l'agriculture biologique", étant donné la "croissance historique" de la consommation des aliments bio en 2016. Ce qui nécessite néanmoins "une filière solide et mature pour résister aux fluctuations du marché", observe Bruno De Moura Fernandes. Si la filière bio française ne parvient pas à augmenter ses rendements, il faudra donc qu’elle augmenter ses prix pour assurer sa viabilité. Avec le risque de se couper des classes les moins aisées, comme les ouvriers, toujours sous-représentés dans la consommation de bio. Et de se retrouver avec, sur le marché bio, des produits français toujours plus onéreux, et des produits importés à bas prix.

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