"Avec le débat sur la PPE, on essuie les plâtres sur les nouvelles missions de la CNDP", explique Chantal Jouanno
Chantal Jouanno a été nommée par l’Élysée le 23 février présidente de la Commission nationale du débat public (CNDP), qui s’est vue confier l’organisation du débat public sur la programmation pluriannuelle de l‘énergie. Une première pour cette autorité indépendante créée en 1995.
L'Usine Nouvelle - Le débat sur la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) préfigure-t-il de nouvelles missions pour la CNDP ?
Chantal Jouanno - Avec le débat sur la PPE, on essuie les plâtres sur les nouvelles missions de la CNDP qui ont été adoptées dans le cadre des ordonnances sous le gouvernement précédent et ratifiées par la loi par le gouvernement actuel. Dans ces nouvelles missions, il y a l’exigence pour le gouvernement de nous soumettre pour débat public quelques grands plans et grands schémas qui ont un impact environnemental majeur. Parmi eux, il y a la programmation pluriannuelle de l’énergie ou des documents sensibles comme le plan national de gestion des déchets radioactifs.
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Le sujet de la PPE n’est-il pas trop complexe pour un débat public ?
Ce n’est pas complexe. C’est immense. Le débat doit donner un éclairage au décideur sur une immensité de sujets essentiels liés à l’énergie. On ne peut fermer aucun sujet. Et une des exigences que l’on a en tant qu’autorité indépendante de débat public, c’est d’aller chercher tous les publics. Il ne s’agit pas de se limiter à des réunions où ce sont toujours les mêmes qui viennent. La PPE est donc effectivement un gros débat, mais qui marche très bien.
Comme évaluerez-vous la réussite de ce débat ?
L’objectif est d’abord de toucher un maximum de personnes. Pour nous, un bon débat c’est plus de 10 000 personnes. On aura très largement dépassé ce chiffre. Un bon débat public doit aussi identifier toutes les questions auxquelles les pouvoirs publics vont devoir répondre. Par exemple, le débat organisé en 2003 ou 2004 sur les déchets nucléaires avait très clairement posé les questions que se posaient les Français, les options, la réversibilité…
La CNDP est-elle aussi saisie du débat sur les déchets nucléaires annoncé par Nicolas Hulot pour la fin de l’année ?
Nous avons été saisis pour organiser ce débat qui porte sur l’ensemble de la gestion des matières radioactives. Elle fait l’objet en France d’un plan triennal qui doit être soumis au débat public sous une forme ou sous une autre. Mais dans ce débat il n’y a pas que la question de l’enfouissement des déchets ultimes, mais aussi celle des combustibles usés entreposés dans les centrales dans l’hypothèse d’une technologie pour les valoriser ou le statut des déchets très faiblement radioactifs.
La CNDP peut-elle être sollicitée pour co-construire des lois avec les citoyens ?
Dans la participation au débat public il y a plusieurs échelles. L’échelle de base, qui est le sondage avec des questions fermées. Après il y a le débat public pour poser les grandes orientations des Français, qui va aider le décideur public à poser sa loi. Pour la co-construction on est au-delà du débat. On considère, en tant qu’autorité indépendante, qu’il faut complètement séparer l’organisation du débat public du décideur. D’autant plus que l’on est dans une situation de manque de confiance des citoyens dans ces procédures de débat public. Ils pensent que tout est décidé d’avance, que l’information est biaisée et que les experts sont toujours les mêmes.
Quelle doit être la place du numérique ?
L’outil numérique est intéressant comme complément du débat public. On ne peut pas remplacer complètement la réunion publique, qui est un temps d’échanges. Et il y a tout un tas de publics que l’on ne touchera pas avec le numérique.
Le périmètre de la CNDP peut-il est élargi au-delà de l’environnement, à des questions sociales par exemple ?
La CNDP on a aussi un rôle de conseil et d’expert en matière de débat public. On peut aider le gouvernement à organiser des débats ou des consultations sur d’autres sujets ou donner des garanties d’indépendance. On l’a fait dans le domaine de la santé sur l’utilisation des données. On est aussi par exemple sollicité sur la réforme des retraites, comme conseil.
Pourquoi avoir postulé à la présidence de la CNDP ?
Dans ce contexte politique global de défiance à l’égard du décideur, le bon débat public est un élément d’apaisement de la société. D’ailleurs, on ne confie à la CNDP que des sujets difficiles, ceux qui ont besoin d’une autorité indépendante. On ne peut pas penser la décision publique sans penser le débat public. On ne va pas revenir sur la décision démocratique d’une seule voix limitée à une élection. Cela ne génère que de la contestation.
Propos recueillis par Aurélie Barbaux
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