Avec ClearSpace, l’Agence spatiale européenne lance le grand ménage en orbite basse
Le 26 novembre, l’Agence spatiale européenne (ESA) a signé un contrat de 86 millions d’euros avec la start-up suisse ClearSpace pour récupérer un morceau d’un ancien lanceur Vega en orbite autour de la Terre. Avec cette mission baptisée ClearSpace-1 et présentée en détails le 1er décembre, l’ESA espère développer un nouveau marché de nettoyage en orbite basse.
L’Agence spatiale européenne (ESA) a signé un contrat le 26 novembre avec la start-up suisse ClearSpace pour lancer la première mission de capture et d’élimination de déchet en orbite basse. Avec un départ prévu en 2025 à bord d’un lanceur Vega-C depuis Kourou (Guyane), la mission ClearSpace-1 ciblera un débris issu du deuxième vol du petit lanceur européen Vega en 2013 : son adaptateur pour la charge utile secondaire (Vespa) qui orbite encore entre 664 kilomètres (km) et 800 km d’altitude. La mission consistera à s’en approcher, à le capturer avec des tentacules, et à le ramener dans l’atmosphère pour qu’il se désintègre.
« Ce n’est pas une démonstration, c’est une vraie mission », a insisté Jan Wörner, directeur général de l’ESA lors d’une conférence de presse en ligne le 1er décembre. En effet, il s’agit bien cette fois d’éliminer un vrai débris, et non une cible envoyée spécialement et préparée pour ce genre de manœuvre, de petite taille ou avec des systèmes de guidage et d’amarrage. Ce fut notamment le cas du mini-satellite expérimental RemoveDebris de l’ESA qui a été lancé en 2018 pour tester des moyens de se débarrasser de déchets en orbite, par exemple avec un harpon, un filet ou par freinage à l’aide d’une voile.
Un nettoyage à 100 millions d'euros
« Acheter un contrat de service de ce type plutôt que diriger intégralement la mission représente une nouvelle manière de faire pour l’ESA », précise l’Agence qui espère ainsi développer un nouveau secteur commercial. « L’autre nouveauté est de confier un telle responsabilité et un contrat d’une telle ampleur à une start-up », ajoute Eric Morel de Westgaver, directeur de l’industrie, de l’approvisionnement et des services juridiques à l’ESA. Le contrat signé avec ClearSpace est de 86 millions d’euros pour un budget total estimé d’environ 100 millions d’euros pour la mission. La start-up est censée trouver le reste auprès d’investisseurs.
Consortium d'industriels
Fondée en 2017 et issue de l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL), ClearSpace sera en charge de la conception du « désorbiteur » et à la tête d’un consortium d’industriels qui le construira. « Nous avons lancé un appel d’offres et plus de 50 entreprises ont répondu à travers l’Europe, soulignait en juillet dernier Luc Piguet, président directeur général de ClearSpace. Nous avons sélectionné une vingtaine de partenaires. » Parmi eux des grands du spatial comme la division allemande d’Airbus Defence and Space ou la filiale suédoise d’OHB.
L’Esa fournira tout de même des technologies clés développées dans le cadre de son programme Clean Space et de son projet Adrios (pour Active debris removal / In-orbit servicing project). Il s’agira notamment de systèmes de guidage, de navigation et de contrôle, et d’intelligence artificielle basée sur la vision pour aller à la rencontre du débris de manière autonome, ainsi que de bras robotisés pour le capturer.
« Nous fonçons droit dans un mur »
« Il faut trouver un moyen de continuer à utiliser l’espace de manière durable », souligne Rolf Densing, directeur des opérations à l’Esa. « Nous fonçons droit dans un mur, ajoute M. Piguet. A ce rythme, les opérations en orbite seront de plus en plus difficiles, voire impossibles. » Les satellites en orbite se multiplient en effet très rapidement en raison d’un secteur spatial commercial florissant qui cherche à offrir de nouveaux services. Comme SpaceX avec sa méga-constellation Starlink, ou OneWeb qui reprend du service après une période difficile pendant la crise du covid-19. Ces projets visent à mettre en orbite des centaines, voire des milliers de satellites en quelques années. Des chiffres à comparer aux 3 000 satellites opérationnels aujourd’hui sur les 5 800 satellites lancés depuis le début de l’ère spatiale marquée par le lancement de Spoutnik en 1957.
Or ces lancements génèrent des débris, certains satellites défaillants ou en fin de vie restent en orbite, ou se dégradent et peuvent créer un nombre de débris encore plus important en cas de collision. Plus de 28 000 débris sont surveillés de manière régulière car pouvant causer des dommages potentiels aux satellites fonctionnels s’ils les frappent, indique l’ESA qui a effectué 21 manœuvres d’évitement avec ses satellites en 2019 et 12 en 2020 à ce jour. Chaque manœuvre entraînant une consommation de carburant et donc une réduction de la durée de vie du satellite et une perte de données pendant l’opération.
Vers un service commercial
Avec une taille de 2 mètres sur 1,6 mètre pour 112 kilogrammes, le débris choisi pour la mission ClearSpace-1 a des dimensions qui se rapprochent de celles d’un petit satellite. « Cela en fait un premier objectif approprié avant de s’attaquer à des captures plus importantes et complexes lors de futures missions », souligne l’ESA.
Luc Piguet affirme que le but est de créer un service commercial. « Cela sera un vrai challenge », admet-il. L’entreprise prévoit de réaliser des éliminations de débris plus ambitieuses, avec des objets plus gros, voire plusieurs objets lors de la même mission. Les technologies développées pendant cette première opération permettront également d’imaginer d’autres applications pour prolonger la durée de vie des satellites en les réparant ou en les réapprovisionnant en carburant en orbite.
Un des enjeux majeurs sera de réduire les coûts de ce type de service. Et surtout d’attirer les opérateurs de satellites comme SpaceX ou OneWeb - clients potentiels -, qui les produisent à la chaîne à des prix très bas.
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