Automobile: Dernière ligne droite à Francfort sur le CO2

par Laurence Frost et Edward Taylor
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Automobile: Dernière ligne droite à Francfort sur le CO2
Le 68e salon de l'automobile de Francfort, qui ouvre ses portes à la presse mardi, lancera le sprint final des constructeurs automobiles vers 2020, année de tous les dangers sur les objectifs d'émissions de CO2 en Europe. /Photo prise le 9 septembre 2019/REUTERS/Wolfgang Rattay

PARIS/FRANCFORT (Reuters) - Le 68e salon de l'automobile de Francfort, qui ouvre ses portes à la presse mardi, lancera le sprint final des constructeurs automobiles vers 2020, année de tous les dangers sur les objectifs d'émissions de CO2 en Europe.

Si la grand-messe allemande n'échappe pas à la désertion des marques pour les salons, les constructeurs présents dévoileront des véhicules et des stratégies devant leur permettre, en seulement trois mois, de se conformer à un durcissement sans précédent des émissions autorisées - 95 grammes de CO2 au kilomètre - et d'éviter de lourdes amendes.

Parmi les vedettes incarnant les ruptures à venir, le public pourra découvrir la toute nouvelle Corsa-e de PSA, cousine germanique des DS3 Crossback et Peugeot 208 électriques, ou encore la très attendue ID.3 électrique de Volkswagen. Le géant allemand se prépare aussi à faire de l'hybride un standard pour la Golf, son best-seller.

Mais le pari est audacieux car l'investissement nécessaire pour promouvoir une technologie encore coûteuse auprès d'automobilistes loin d'être convaincus pourrait amputer les marges d'une industrie déjà confrontée à un ralentissement des ventes.

"On a des voitures qui vont coûter entre 10.000 et 15.000 euros de plus que la voiture thermique. On ne sait pas si les clients vont se précipiter dessus ou pas. Et on a une contrainte à respecter qui impose à tous les constructeurs de vendre un certain volume de véhicules électriques", résume un dirigeant de PSA. "On a là juste la matière première pour faire un bel explosif."

Le nouveau plafond d'émissions entrera en vigueur l'an prochain pour 95% des véhicules, alors que leurs émissions moyennes tournent actuellement autour de 120,5 grammes, chiffre orienté à la hausse avec la disgrâce du diesel, plus vertueux que l'essence en CO2, et l'engouement des clients pour les SUV à la silhouette moins aérodynamique.

EVITER LES AMENDES A TOUT PRIX

Des années durant, sur les salons, les constructeurs ont placé au coeur de leurs stands des modèles électrifiés censés incarnant une image plus moderne et plus verte. Maintenant, le moment est venu de les vendre, et en masse.

S'ils veulent atteindre les nouveaux objectifs de l'UE, la part des voitures électriques dans les ventes devra tripler à 6% du marché d'ici 2021 et celle des hybrides rechargeables quintupler à 5%, selon la société allemande d'ingénierie FEV Consulting.

L'industrie automobile européenne devra ensuite réduire de 15% supplémentaires ses émissions de CO2 d'ici 2025 et, en tout, de 37,5% d'ici 2030. En cas de dépassement, les amendes de 95 euros par gramme en trop pourraient rapidement représenter une facture de plusieurs centaines de millions d'euros.

"Il est très difficile de mesurer le degré d'acceptation du marché pour une grande partie de ces technologies et de dire exactement ce que les gens seront prêts à payer", commente Max Warburton, analyste chez Sanford C. Bernstein, dans une note récente. "Les constructeurs vont devoir pousser un nombre relativement élevé de voitures sur le marché."

Plutôt que de payer des amendes qui atteindraient 25 milliards d'euros en 2021 si les gammes actuelles étaient inchangées, les marques ont lancé un profond remaniement de leur catalogue qui pourrait retirer plus de la moitié de ce montant de leurs bénéfices cumulés, selon Bernstein.

Outre sa vénérable Zoé, Renault compte sur l'arrivée de versions hybrides du Captur restylé, seule nouveauté française à Francfort, et de la nouvelle Clio, programmées d'ici la fin du premier semestre 2020.

CRAINTES SUR L'EMPLOI

Les analystes estiment que les constructeurs français risquent de voir leurs marges plus fragilisées que celles de leurs concurrents allemands en raison d'un positionnement tarifaire déjà inférieur, mais aussi faute de pouvoir utiliser les marchés nord-américains ou chinois comme amortisseurs.

"Si vraiment (les constructeurs) n'y arrivent pas, ils vont cesser de vendre, ça coûtera moins cher de ne pas vendre des véhicules que les vendre pour payer des pénalités", estime Georges Legros d'AlixPartners.

"Quand les bénéfices de l'industrie s'amenuisent, vous commencez à perdre des emplois", prévient de son côté Andy Palmer, directeur général d'Aston Martin, exempté des objectifs européens de CO2 en tant que constructeur de voitures de sport à faible volume. "Et c'est à ce moment que les gouvernements commencent à penser aux moyens de stimuler le marché."

Allemagne oblige, les berlines et SUV haut de gamme et surmotorisés n'auront toutefois pas disparu des halls de Francfort, au contraire.

Chez Audi, le nouveau petit A1 Citycarver devra composer avec les imposants Q7 et RS6, BMW présentera son énorme nouveau X6 et JLR son Land Rover Defender massif. Mais signe des temps, ce dernier a aussi sa version hybride rechargeable tandis que Porsche montrera la Taycan, sa sportive 100% électrique.

Le salon de Francfort - plus petit que Paris pour le grand public, mais plus important pour les professionnels - ouvrira ses portes aux particuliers samedi 14, après deux journées presse et deux journées pro.

L'ouverture au public pourrait être marquée par des manifestations de militants écologistes, signe que même au pays de l'auto, le désamour entre la voiture et la population urbaine reste vif.

(Avec Gilles Guillaume, édité par Bertrand Boucey)

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