Automatisation : à chacun sa transition
La transformation industrielle et numérique doit être progressive et adaptée aux usages. Quant au budget alloué, il peut être amplement réduit grâce aux accompagnements existants…
« Les plasturgistes ont mis le pied à l’étrier en matière d’automation. Ils restent malgré tout en retard, hormis dans le secteur automobile où le taux d’automatisation est semblable à celui de l’Allemagne », dresse comme constat Pierre-Marie Gaillot, en charge de la direction du déploiement de la Transformation 4.0 des entreprises au Cetim.
Automatiser et robotiser son usine s’accomplit pas à pas, en tenant compte de sa configuration, de l’activité, de la taille et de la variété des lots… Depuis la réception des matières premières à la livraison des produits finis, du robot industriel bras articulé au jumeau numérique, « il y a presque autant de modèles d’industrie du futur que d’entreprises », prévient Philippe Gérard, responsable produit et segment chez Bosch Rexroth France.
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Au démarrage, cela passe par un échange pour comprendre et appréhender les besoins de l’entreprise et les attentes du marché, couplé à une analyse des temps de cycle afin d’identifier les sources de gains potentiels. « Il est nécessaire de se demander quels services additionnels l’automation peut apporter au client final et au client interne. Cela peut être de l’agilité pour être en mesure de satisfaire des demandes tardives, avec des outils de production facilement appropriables par l’opérateur.
Si le projet a pour seule finalité la réduction de la masse salariale, le calcul du ROI risque de décourager l’investissement », détaille Pierre-Marie Gaillot. Ce travail préliminaire va contribuer à poser le diagnostic, à adapter le cahier des charges aux usages et à entrevoir des solutions à mener sur le long terme. De fait, cela va induire des modifications dans l’organisation, avec des métiers amenés à évoluer. « Dans l’industrie, les jeunes voient les métiers traditionnels de l’automatisme glisser vers des profils plus diversifiés répondants aux enjeux de la robotique, de la mécanique et de l’électronique sous le prisme du logiciel et de l’interconnectivité », constate Philippe Gérard.
Pas de recette unique
Encore une fois, il n’y a pas de recette unique. « Si l’entreprise amorce la transition de son atelier, elle doit se focaliser sur un projet qui repose sur des tâches simples afin d’apprendre progressivement les vertus de la robotisation. Si elle a déjà réussi sa modernisation, elle peut se diriger vers une technologie qu’elle maîtrise moins », illustre Pierre-Marie Gaillot. Cela peut débuter par un pilote ou par des transformations opérées ligne par ligne. « Il peut s’agir d’installer des robots en entrée et en sortie pour optimiser la circulation des flux », explique Marc Madec, directeur du développement durable à la Fédération de la plasturgie.
Le Covid-19 a d’ailleurs apporté son lot d’enseignement sur le sujet. « Nous recevons de nombreux projets axés sur l’automatisation des fins de lignes ; le premier confinement ayant grandement chahuté les livraisons. L’épidémie a aussi mis en évidence la nécessité de gérer à distance un certain nombre d’opérations pour rendre l’entreprise moins vulnérable », rapporte Yann Jaubert, président d’Alfi Technologies. Des capteurs peuvent être également disposés en des lieux stratégiques pour permettre de remonter des données terrain et de monitorer en conséquence les paramètres de la production. Elles peuvent ainsi alerter en cas de défaillance ou d’un état de détérioration avancée.
« La maintenance prédictive fait partie intégrante de l’industrie 4.0 », rappelle Marc Madec. Plus largement, la communication entre les presses et les automates est un moyen d’optimiser les temps de cycle, en repérant et en corrigeant les arrêts ou les manquements. D’un intérêt plutôt limité pour le grand public, « la 5G, avec le protocole OPC UA, va favoriser un dialogue en temps réel entre les machines et leur écosystème, fournissant davantage de données de maintenance, et sans fil, à des opérateurs pour les aider à intervenir en direct », souligne Philippe Gérard.
Financer ses ambitions
C’est parfois l’investissement inhérent qui peut freiner la démarche. Et pourtant, « l’automatisation n’est pas un mécanisme coûteux dès lors qu’il est calibré aux besoins réels de développement et de croissance », met en avant Pierre-Marie Gaillot. Surtout, il existe une myriade de dispositifs d’accompagnement humain et financier pour assurer la transformation industrielle et numérique. Soixante-et-un exactement nous renseigne-t-on au Cetim. « Selon la taille de l’entreprise, les subventions allouées pour l’automatisation des équipements peuvent atteindre de 10 à 40?% du montant de l’investissement ».
Pour rappel, le Plan de relance prévoit un volet de 320?millions d’euros d’ici à fin 2022 pour moderniser l’outil de production industriel. Il inclut notamment le « Prêt French Fab » et le programme de « subvention industrie du futur ». Opérationnel depuis la mi-octobre, le « Prêt French Fab » prévoit des montants avancés par Bpifrance allant de 100?000 à 5 millions d’euros, avec un cofinancement équivalent des établissements bancaires. Le second dispositif soutient les investissements au moyen d’une subvention accordée dans les technologies de l’industrie du futur.
« Vous pouvez aussi vous appuyer sur les certificats d’économie d’énergie pour financer une modernisation qui concourt à une réduction énergétique », rappelle Philippe Gérard. Dans la diffusion du numérique, « IA booster » permet par ailleurs d’auditer et d’accompagner les PME et ETI dans la mise en place de solutions d’intelligence artificielle. Pour connaître les outils les plus adaptés à ses ambitions, il est possible de se renseigner depuis le portail du ministère de l’Économie. Ou directement auprès du Cetim, voire de son guichet régional. En bref, les aides ne font pas défaut. « Ne pas y avoir recours s’apparenterait presque à une faute professionnelle », conclut Yann Jaubert.