« Augmenter la productivité du procédé de chromatographie est l'un des graal de l’industrie chimique », lance François Parmentier, fondateur de Separative

Lauréat du concours EIC Accelerator Pilot, mis en place par la Commission européenne pour distinguer les innovations de rupture, la société Separative travaille sur un nouveau procédé de séparation moléculaire. François Parmentier, son fondateur, détaille à Industrie & Technologies comment sa technologie de chromatographie améliore la productivité d'un processus clé de l'industrie chimique.

 

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« Augmenter la productivité du procédé de chromatographie est l'un des graal de l’industrie chimique », lance François Parmentier, fondateur de Separative

Industrie & Technologies : Votre société, Separative, a été lauréate en octobre du très sélectif concours européen EIC Accelerator Pilot qui récompense les innovations avec un fort potentiel de « rupture». Quels sont les enjeux autour de votre technologie ?

François Parmentier : Si notre technologie a retenu l’attention de l’instance européenne, c’est parce que nous travaillons à l’amélioration de l’un des processus clé de la chimie : la séparation moléculaire. Elle est même à la base de l’industrie chimique qui effectue dans un premier temps des mélanges pour produire des réactions chimiques, puis doit séparer dans un deuxième temps les produits pour isoler les molécules intéressantes. A l’heure actuelle, la séparation moléculaire est un véritable gouffre financier et énergétique : environ 50 à 70 % des dépenses de l’industrie chimiques sont liés aux processus de purification. On estime que 10% de l’énergie consommée dans le monde aujourd’hui est engloutie par ces processus, toutes industries confondues !

Un autre constat nous a amené à nous pencher sur la séparation moléculaire : aucune solution innovante n’est apparue dans ce domaine depuis 25 ans.

Quelles sont les principales technologies utilisées à l’heure actuelle ?

Le procédé le plus répandu aujourd’hui en chimie est la distillation. Mais, comme il repose sur la température d’ébullition des différents éléments d’un mélange, il nécessite une énergie importante pour chauffer les mélanges. Une seconde technologie peut être mise en œuvre : la chromatographie. Il en existe plusieurs types, mais la plus répandue est la chromatographie en phase liquide à haute performance. Elle consiste à pousser un mélange chimique combiné à un solvant dans une colonne contenant des grains de silice de quelques microns de diamètre. Les éléments du mélange vont être retenus de manière inégale par la poudre de silice et vont se déplacer à des vitesses différentes dans la colonne. Ils vont constituer des bandes de produit différent que l’on peut récupérer en sortie de tube.

C’est un procédé très puissant car en jouant sur la nature du solvant et la taille des grains de silice on peut séparer à peu près n’importe quoi. Mais il possède aussi de nombreux inconvénients : comme la poudre est très fine – et donc très peu perméable - il faut une pression opératoire d’environ 300 bars pour faire passer le fluide au travers de la silice. Des équipements spéciaux sont nécessaires pour arriver à de tel niveau de pression. C’est donc une technologie malheureusement très coûteuse, à la fois en équipement et en énergie, et avec un faible rendement. Augmenter la productivité du procédé de chromatographie est l'un des Graal de l’industrie chimique.

Comment perfectionner ce procédé ?

Nous avons mis au point une méthode baptisée chromatomographie multicapillaire haute performance. Notre idée est de remplacer la colonne de silice par un matériau microstructuré. Le matériau de base est un bloc de silice semi poreux, dans lequel nous créons un faisceau de capillaires de quelques microns de diamètre. La structure interne de la matière est en nid d’abeille. Elle nous permet de faciliter le passage des fluides dans la matière et ainsi d’utiliser une pression beaucoup plus basse pour réaliser une chromatographie. Avec notre procédé, il suffit d’une pression de 10 bars pour effectuer une séparation moléculaire soit une réduction d’un facteur 30. Les temps de filtration sont également nettement réduits par rapport à la chromatographie classique car la structure du matériau est précisément adaptée au mélange en entrée.


La technologie de Separative repose sur un bloc de silice microstructuré.

Comment parvenez-vous à obtenir cette structure en nid d’abeille ?

Le principe général est le suivant : nous formons un faisceau de fils en polymères qui sont immergés dans un liquide. Celui-ci va geler et former un bloc de silice. Ce matériau va ensuite passer par une étape de pyrolyse, à 500 degrés et sous une atmosphère contrôlée. Les fils en polymères vont fondre pour ne laisser que les canaux capillaires.

Quels sont vos projets de développement ?

Notre produit est actuellement à un niveau TRL 6. Le programme européen EIC nous permettra d’atteindre le TRL 9. Nous avons reçu une subvention de 2,4 millions d’euros, et cela sera suivi d’une prise de participation dans notre société à hauteur de 5 millions d’euros. Nous visons dans un premier temps les laboratoires de recherche qui pourrons tester notre procédé pour répondre à des cas concrets. Nous allons organiser à partir du second semestre 2021 une campagne de « beta test » pour avoir des retours du terrain et peaufiner notre technologie. Puis nous proposerons notre solution aux industriels, avec en ligne de mire, dans un premier temps, le secteur des biotechnologies. Nous envisageons d’atteindre un chiffre d’affaire d’environ 25 millions d’euros à l’horizon 2025.


Colonne de chromatographie intégrant le matériau mis au point par Separative

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