Après le Dieselgate, l’Allemagne cherche à sauver son industrie auto

L’avenir de l’industrie automobile s’est invité dans la campagne électorale. Alors que l’image du secteur est écornée et que plusieurs villes allemandes veulent interdire le diesel dans leurs centres, les constructeurs essaient d’éviter l’effondrement de leurs ventes.

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Après le Dieselgate, l’Allemagne cherche à sauver son industrie auto
Berlin

Il est bien loin le temps où le salon de l’automobile de Francfort (IAA) servait de démonstration de force pour les constructeurs allemands. Deux ans après l’affaire des moteurs truqués de Volkswagen, ceux-ci ont beau mettre en avant la digitalisation et l’électromobilité, le Dieselgate reste dans toutes les têtes. De plus, cette année, la tenue de l’IAA coïncidant avec la campagne des législatives, la pression s’accentue aussi sur Angela Merkel, pressée de durcir le ton face à ces agissements. "La confiance a été détruite, a-t-elle lancé lors de l’inauguration. Notre industrie automobile doit tout faire pour la retrouver, dans l’intérêt de ses employés mais aussi de tout le pays."

Des mots qui peinent pourtant à convaincre, tant elle a mis du temps à réagir. "Cela fait depuis 2010 que le gouvernement connaît le problème des émissions d’oxyde d’azote et l’ignore", critique Ferdinand Dudenhöffer, directeur du centre de recherche automobile CAR à Duisburg. Un avis partagé par le politologue Michael H. Spreng, qui tente d’analyser les raisons d’un tel atermoiement : "En tentant de rassurer à la fois les citoyens inquiets de la pollution, les propriétaires de diesel et les salariés de l’automobile, Merkel essaie de résoudre une équation impossible", explique-t-il. Toute l’économie allemande s’est construite autour de ce pilier qu’elle ne peut pas se permettre de voir chanceler. A elle seule, l’industrie automobile représente 13 % du PIB. Après les machines-outils, c’est le plus gros employeur, avec plus de 800 000 emplois directs et jusqu’à 1,5 million indirects.

L'inquiétude des revendeurs

Depuis deux ans, les consommateurs, de plus en plus méfiants, se détournent lentement de cette motorisation. Selon l’agence fédérale des immatriculations, si la part du diesel représente 37 % des voitures neuves, les ventes ont chuté de 13,8 % entre août 2016 et août 2017. Chez les revendeurs, l’inquiétude est déjà palpable. La fédération des concessionnaires estime ainsi à 300 000 le nombre de voitures diesel 5 invendues. "A 15 000 euros en moyenne par véhicule, ceci correspond à un manque à gagner de 4,5 milliards d'euros", précise l’agence dans un communiqué.

Pour se conformer aux normes européennes, quelque 70 communes envisagent dès 2018 d’interdire le diesel dans leurs centres urbains. La ville de Hambourg souhaiterait boucler deux artères principales à tous les véhicules inférieurs à la norme Euro-6, ce qui représente 230 000 véhicules. Au pays de la voiture reine, la mesure passe mal. Inquiets de ne plus pouvoir circuler, un tiers des 15 millions de propriétaires de diesel pensent donc à se séparer de leur voiture au cours des prochains mois, ce qui entraînera à coup sûr une décote sur le marché. "Ces restrictions de circulation nous mettent une balle dans le pied", s’insurge Dieter Zetsche, le patron de Daimler.

En retard dans l’électrique, les batteries et l’hydrogène

Pour autant, aucun des constructeurs n’envisage à ce jour de faire une croix sur cette motorisation dans laquelle ils ont massivement investi pour contourner le problème des émissions de CO2. La chancelière elle-même s’est refusée à prédire la fin des moteurs thermiques, comme l’ont fait la France ou la Grande-Bretagne. Lors d’un sommet sur le diesel début août, gouvernement et fabricants se sont accordés sur une simple correction des logiciels de 5 millions de voitures diesel pour réduire leurs émissions de NoX. "Mais cette solution a minima ne permettra pas de passer sous les 80 mg/km de NoX", assure Axel Friedrich, de l’association environnementale DUH, qui effectue les tests sur véhicules roulants. Pour y parvenir, il faudrait en effet installer un équipement de dépollution, d’un coût unitaire de 1 500 euros, auquel les constructeurs ne consentent pas. Pour développer l’électromobilité, un fonds d’un milliard d’euros sera également créé pour moderniser les flottes de transports urbains et les taxis.

"Les Allemands ont pris du retard dans l’électrique, les batteries et l’hydrogène, insiste Michael H. Spreng. Et le fait que le gouvernement refuse de taper du poing sur la table ne les force pas à se remettre en question." Plus que le Dieselgate, pour Ferdinand Dudenhöffer, c’est surtout le marché qui les poussera à changer. A commencer par le projet de la Chine, où une voiture sur cinq est de marque allemande, d’imposer un quota de 8 % de véhicules électriques. Une annonce qui a mis le secteur en émoi. Pour rattraper son retard, Volkswagen va créer avec le Chinois JAC Motors une coentreprise dans le pays pour produire 100 000 voitures électriques par an. De son côté, BMW entend contrer la progression de Tesla outre-Rhin, en présentant sa nouvelle i Vision Dynamics, avec une autonomie de 600 km. Mais le modèle ne sera pas disponible avant 2020...

A Berlin, Gwénaëlle Deboutte

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