Alerte sur le dioxyde de titane

Des bonbons aux bétons, le dioxyde de titane est utilisé dans de nombreuses filières de l’industrie pour ses qualités de colorant blanc ou d’opacifiant. Mais l’Agence européenne des produits chimiques vient de suggérer son classement comme cancérigène, après qu’une étude récente de l’Inra a démontré qu’il présentait un risque sous forme de nanoparticules.

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Alerte sur le dioxyde de titane

Il blanchit le dentifrice, les bonbons et les médicaments et rend les crèmes solaires efficaces. Il préserve les bâtiments de la pollution et protège le lait frais de la lumière. Plébiscité par l’industrie pour toutes ces qualités, le dioxyde de titane (TiO2) n’est pas, en soi, dangereux pour la santé. Sauf, semble-t-il, sous forme de nano-particules, ces dernières ayant la capacité de migrer dans le corps humain. Le Comité d’évaluation des risques (CER) de l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) vient de suggérer son classement comme substance suspectée cancérigène de catégorie 2. "La multiplicité des usages du dioxyde de titane est inquiétante. Sous forme nanométrique, il passe à travers la peau et la molécule peut ainsi aller se loger un peu partout, y compris dans le cerveau", commente André Cicolella, toxicologue et président de l’association Réseau Environnement Santé.

Une étude française démontre un risque

L’annonce de l’ECHA fait suite à une proposition de la France se basant sur des études d’inhalation réalisées sur des rats. Dans une étude, publiée dans Scientific Reports en janvier 2017, des scientifiques de l’Inra ont observé les conséquences d’une exposition orale aux nanoparticules de TiO2.

Ils ont montré pour la première fois chez l’animal que le E171 – nom sous lequel le TiO2 est connu comme additif dans l’agroalimentaire - pénètre la paroi de l’intestin et se retrouve dans l’organisme. Des troubles du système immunitaire liés à l’absorption de la fraction nanoparticulaire de l’additif ont été observés. "Par ailleurs, les chercheurs montrent qu’une exposition orale chronique au E171 induit de façon spontanée des lésions prénéoplasiques dans le côlon, un stade non malin de la cancérogenèse, chez 40% des animaux exposés. De plus, le E171 accélère le développement de lésions induites expérimentalement avant exposition. Ces résultats témoignent d’un effet initiateur et promoteur des stades précoces de la cancérogenèse colorectale, sans toutefois permettre d’extrapoler ces conclusions à l’Homme et pour des stades plus avancés de la pathologie", indique l’Inra sur son site.

Suite à cette publication, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a été saisie afin de déterminer si l’additif alimentaire E171 présente un danger pour les consommateurs. Dans ses conclusions, l’Agence reconnaît des effets qui n’avaient pas été identifiés auparavant, notamment les potentiels effets promoteurs de la cancérogenèse. Mais cela ne permettrait cependant pas à ce stade de "remettre en cause l’évaluation du E171 menée par l’Efsa". L’Agence a donc recommandé de mener des études complémentaires afin de caractériser plus précisément le danger associé au E171.

L’industrie du dioxyde de titane se défend

La recommandation de l’ECHA "va à l’encontre de la multitude de preuves scientifiques qui contredit une classification du dioxyde de titane pour l’homme, réplique l'Association des fabricants de dioxyde de titane (TDMA). Ces preuves sont issues de l’analyse de données tirées de plus de 50 ans de recherche relatives à l’exposition au dioxyde de titane sur plus de 24 000 travailleurs. L’ensemble de ces données et preuves démontre qu’il n’y a pas de lien entre le cancer chez l’homme et l’exposition au dioxyde de titane." "Rien ne permet de classifier le TiO2 comme substance cancérigène pour l’homme lorsqu’elle est inhalée. Une classification ne contribuerait pas à améliorer le niveau de protection de la santé publique et de l’environnement, qui est l’objectif premier des systèmes d’étiquetage et de classification", ajoute Robert Bird, président de la TDMA. "Nous sommes confiants dans le fait que les régulateurs européens confirmeront la sûreté d'utilisation du TiO2 sous toutes ses formes." L’association revendique 23 000 emplois dans les pays de l’Union européenne.

En septembre 2014, neuf producteurs de dioxyde de titane (Cinkarna, Cristal Pigment, DuPont, Evonik, Kronos, Precheza, Sachtleben Chemie GmbH, Tioxide Europe Huntsman et Tronox Pigments) avaient porté un recours devant l’ECHA et refusé de fournir les données demandées par l’Agence européenne dans le cadre de Reach. Le règlement entretien la confusion sur la nocivité potentielle du TiO2 en ne différenciant pas les nanomatériaux de la substance chimique correspondante. Or la nocivité des macromolécules de dioxyde de titane n’a effectivement pas été démontrée. Seule sa forme nanoscopique inquiète les chercheurs. Les porteurs du recours devant l’ECHA ont obtenu gain de cause en mars 2017. L’évaluation par l’Anses, elle, est repoussée à 2018.

L’industrie plus réactive que les autorités sanitaires

Une partie de l’industrie n’attendra pas la réponse définitive de l’ECHA et de l’Anses pour prendre des mesures, le risque d’image étant trop grand depuis que l’étude de l’Inra a été rendue publique. Carambar&Cie reconnaît utiliser du E171 comme colorant pour les Malabar (dont ils détiennent la licence auprès du groupe Mondelez), sous une forme autorisée et non sous la forme de nanoparticules. Mais le groupe indique qu'il va sans doute travailler dans les mois à venir à une nouvelle recette sans cette molécule. Le confiseur Verquin, interpellé après la publication de l’étude de l’Inra sur la présence de nano-particules de dioxyde de titane dans ses bonbons Têtes brûlées version «Star effet rose à lèvres, goût framboise», n’a pas tergiversé. Il a annoncé le retrait de ce colorant de l’ensemble de sa gamme.

Dans les emballages, le dioxyde de titane est utilisé comme colorant et comme opacifiant, notamment dans les nouvelles bouteilles de lait en PET opaque récemment dénoncées par l’industrie du recyclage. Plus légères, elles sont aussi plus difficiles à recycler, justement en raison de la présence de ce dioxyde de titane que les recycleurs ne peuvent pas séparer sans un lourd réinvestissement que les volumes actuels ne justifient pas.

L’innocuité des particules de TiO2 dans les nouveaux bétons autonettoyants est, elle aussi, questionnée. La capacité du dioxyde de titane à accélérer la photocatalyse, qui détruit composés organiques volatils (COV) et micro-organismes, permet de maintenir la blancheur des murs en optimisant l’action des ultra-violets du soleil. La Suisse, elle, a tranché. Le grand Conseil de la République et canton de Genève n’a pas attendu les résultats des études de risque pour interdire toute utilisation de ce matériau autonettoyant pour la construction des nouveaux bâtiments.

Myrtille Delamarche, avec Astrid Gouzik et Gaëlle Fleitour

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