Airbus présente Adeline, une Ariane réutilisable pour contrer SpaceX
Depuis 2010, le maître d’œuvre d'Ariane travaille sur des concepts de lanceurs réutilisables. Contrairement à SpaceX, Airbus imagine récupérer les deux étages principaux de la fusée. L'enjeu: baisser les coûts d'exploitation d'Ariane de l'ordre 30%, grâce à ce concept nommé Adeline.
Mis à jour
08 juin 2015
Airbus cachait bien son jeu...dans un garage. Aux Mureaux dans les Yvelines, une poignée d'ingénieurs d'Airbus travaillent dans un hangar isolé, loin des installations où sont assemblés les éléments de l'étage principal d'Ariane 5. Et ce depuis 5 ans, dans le plus grand secret du reste des équipes afin d’éviter toute fuite. Leur mission: préparer un lanceur réutilisable dans le but de faire baisser drastiquement les coûts d'exploitation d'Arianespace.
La solution trouvée ? Le bas du premier étage de la fusée, une fois détaché de son réservoir et de l'étage supérieur, s'apparente alors à un drone avec à son bord le moteur de la fusée éteint. Ce drone, équipé de ses propres moteurs, ramène alors son précieux passager sur Terre en atterrissant sur une piste comme un avion !
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Une approche très éloignée de celle de SpaceX
Avec ce projet, Airbus ne s'est pas contenté de regarder son concurrent SpaceX faire des essais grandeur nature. Son approche est radicalement différente. "Si nous sommes admiratifs de l'audace de SpaceX, nous ne pensons pas que c'est la bonne approche. Les moteurs d'une fusée sont faits pour la propulser vers l'espace pas pour la faire atterrir", indique Marc Valès, directeur des programmes lanceur du futur d'Airbus Safran Launchers. "Nous nous intéressons aux 80% de la partie du premier étage qui en vaut la peine: son moteur, et l'électronique qui permet de le piloter. Faire revenir le réservoir vide ne nous intéresse pas ! La tâche devient alors plus simple car cela ne représente plus que 20% du volume à ramener", explique Marc Prampolini l'ingénieur d'Airbus à l'origine de ce concept.
utiliser le même moteur 10 à 20 fois
La solution trouvée étonne d’abord par sa simplicité : équiper le bas de l'étage principal d'ailettes et de moteurs aéronautiques. "Il nous faudra environ 2 tonnes d'ergols pour assurer ce retour contre une quarantaine de tonne d'ergols pour SpaceX", explique l'ingénieur.
Toutefois, cette idée n'est pas si triviale à développer. Les ingénieurs de la filière spatiale ont fait appel à leurs collègues de la division militaire d'Airbus Défense & Space pour travailler sur l'aérodynamisme du drône et de ses ailettes. Car ces dernières, si elles assurent la stabilité du drone lors de l'atterrissage, ne doivent pas être un obstacle au décollage de la fusée.
Airbus espère pourvoir ainsi exploiter le même moteur 10 fois voire 20 fois. Une révolution ! "Avec ces innovations, on peut envisager une réduction de 30% des coûts d'exploitation des lanceurs", estime Hervé Gilibert, directeur technique d'Airbus Space Systems.
Mais Airbus ne s'arrête pas là dans son concept de fusée réutilisable : il veut également récupérer l'étage supérieur. Une fois libéré de la gravité terrestre, son rôle est de positionner précisément le satellite sur son orbite définitive. Il est pour l'instant à usage unique. Airbus a imaginé transformer cet étage en remorqueur de l'espace. Une fois sa mission terminée, il stationnerait sur une orbite spatiale "de parking" en attendant qu'un nouveau lanceur (dépourvu d'étage supérieur) arrive avec de nouveaux satellites, qu'il sera chargé de positionner. "Nous allons réutiliser tour le savoir faire acquis avec l'ATV (ravitailleur de l'agence spatiale européenne pour alimenter la station spatiale internationale) pour réaliser des amarrages totalement automatisés dans l'espace", explique-t-on du côté d'Airbus.
RIen de concret avant les années 2030
Sur le papier, les concepts techniques présentés par Airbus sont séduisants et paraissent largement supérieurs aux projets de SpaceX. Toutefois, ils ne sont pas d'actualité ! Faute de budget."La priorité reste le financement d'Ariane 6 et de faire décoller le lanceur européen en 2020", a rappelé François Auque directeur général de Airbus Space Systems. Aujourd'hui, l'ESA n'a pas les moyens de financer les deux défis de front : Ariane 6 et le lanceur réutilisable. L'industriel estime que le premier lanceur réutilisable pourrait décoller dans les années 2030. Or d'ici là, où en sera SpaceX qui effectue déjà des tests grandeur nature ? Si elle veut rester dans la course, l'Europe spatiale devra sûrement accélérer le tempo.
Hassan Meddah
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