Airbus cherche à réduire l'influence de Safran et d'UTC
Alors que les grands équipementiers n'ont cessé de prendre du poids, Airbus compte réintégrer l'activité des nacelles de moteurs pour l'A320, au détriment de Safran et d'UTC.
Mis à jour
21 septembre 2017
Airbus contre attaque. Face à la montée en puissance des grands équipementiers, Airbus cherche à reprendre la main. Après le rapprochement annoncé au début de l'année entre Safran et Zodiac puis le rachat en septembre de Rockwell Collins par le géant américain UTC, Boeing a récemment fait part de ses réserves. Airbus vient quant à lui de prendre une décision stratégique en forme de couperet : réintégrer une partie de l'activité des nacelles, jusque-là sous traitée en particulier à Safran Nacelles, filiale de Safran, et à UTC. "Nous devons réintégrer certaines activités", a confirmé Fabrice Brégier, le numéro deux du groupe, à Tianjin, alors qu'Airbus y inaugure un centre d'équipement cabine pour l'A330.
La décision concerne d'abord les nacelles des moteurs Pratt & Whitney destinés à l'A320neo dont UTC a la charge. La réintégration pourrait ensuite concerner les nacelles des moteurs Leap des A320neo fabriqués par Safran, ce qui fait l'objet de discussions avec Airbus, et éventuellement s'étendre à terme à l'ensemble des programmes d'Airbus.
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Un virage stratégique, qui sera opérationnel après 2020, présenté officiellement jeudi 21 septembre lors d'une conférence à Tianjin (Chine) dediée aux fournisseurs d'Airbus. Interrogé par L'Usine Nouvelle, Fabrice Brégier assure qu'il n'y a pas de lien de cause à effet avec cette décision et les rapprochements récents entre les équipementiers mais qu'elle procède d'une réflexion interne menée de longue date. La démarche n'est en revanche pas étrangère à la nécessité d'intégration de plus en plus poussée des moteurs avec l'architecture des futurs avions.
Intérêt de la manoeuvre pour Airbus? Remettre la main sur une activité à forte valeur ajoutée. Capotage, entrée d'air, tyuères, inverseur de poussée... Les nacelles assurent la bonne intégration du moteur avec le reste de l'avion via de nombreux éléments techniques. Airbus cherche aussi à mettre fin à un schéma ubuesque : le groupe était devenu son propre sous-traitant, dans la mesure où son site de Nantes livre à Safran les entrées d'air des nacelles ensuite montées sur ses avions...
Retour au bercail pour la valeur ajoutée
Cette réintégration d'une partie des nacelles au sein du groupe, qui souhaite en devenir l'architecte intégrateur en coopération avec des fournisseurs comme Bombardier et Magellan, s'inscrit dans une tendance lourde : après des années de sous-traitance débridée, les avionneurs tentent de faire revenir au bercail la valeur ajoutée. "Simples" assembleurs, ils ont laissé aux équipementiers les activités les plus profitables. À tel point que la rentabilité opérationnelle d'Airbus plafonne à 6% contre 10 à 15%, voire davantage, pour des groupes comme Thales et Safran. "Certains de nos partenaires sont plus riches qu'Airbus, il faut rééquilibrer la relation", a affirmé sans ambages Fabrice Brégier. Sans nouveau programme à mener, fort d'une intégration bien plus efficace que dans les années 2000, Airbus s'attelle désormais à s'assurer une plus grand maîtrise industrielle de ses programmes.
Les opérations d'acquisitions qui ont marqué le secteur des équipementiers ces derniers mois donnent un poids inédit à UTC et Safran, en termes industriels et commerciaux. Elles pourraient pousser Airbus et Boeing à revoir leurs stratégies industrielles marquées par un grand recours à la sous-traitance. Un mouvement de reflux s'amorce donc, même si Airbus se refuse pour le moment à donner des détails sur les autres éléments qui seront réintégrés. Les trains d'atterrissage pourraient suivre, ce qui là encore représenterait un manque à gagner pour Safran. Au-delà des équipements, Airbus mise gros sur les services pour tirer vers le haut une profitabilité qu'il peine encore à faire décoller.
Mise à jour le 21 : l'article a été modifié afin de souligner que les discussions concernant les nacelles de l'A320neo étaient toujours en cours entre Safran et Airbus. L'avionneur a en revanche bien arrêté sa décision concernant celles de Pratt&Whitney pour le même appareil.
A Tianjin, Olivier James
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