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Affaire Volkswagen : Pourquoi les tests français pourraient devenir une usine à gaz

Le Ministère de l’Ecologie et l’UTAC ont débuté une campagne de tests dont les résultats devraient être connus prochainement. Mais cette mesure prise dans l'urgence pourrait avoir des effets différents de ceux attendus.

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Contrôle à l'Utac - Crédits : Jean Francois Preveraud

Jeudi 1er octobre dernier, la Ministre de l’Ecologie Ségolène Royal a présenté les protocoles d’essais qui serviront à mesurer les émissions réelles de 100 véhicules représentatifs du parc automobile français. L’initiative est louable, mais pourrait se révéler contre-productive à court et moyen terme.

"Nous devons tous et toutes être extrêmement vigilants pour ne pas faire de ce scandale Volkswagen un scandale diesel " avait rappelé la veille Emmanuel Macron. Pourtant, la campagne de tests lancée par la Ministre de l’Ecologie pourrait avoir l’effet inverse, en inquiétant les consommateurs plus que nécessaire.

En effet, les résultats de ces tests sont prévisibles. Que montreront-ils ? Premièrement, qu’un véhicule pollue davantage en conditions réelles d’utilisation que pendant des tests en laboratoire. Une évidence. Deuxièmement, que la plupart des véhicules roulants en France et homologués Euro 5 et Euro 6b ne satisfont pas les critères de la future norme Euro 6c prévue pour 2017. Plutôt intuitif, encore une fois.

Des mesures déjà faites aux Etats-Unis et en Allemagne

Certes, l’étude commandée par le gouvernement mettra des chiffres sur ces écarts. Mais d’autres se sont déjà prêtés à l’exercice : l’ONG à l’origine du scandale Volkswagen, bien sûr, et plus récemment l’ADAC, l’association d’automobilistes allemande.

L’ADAC, dans son étude, a sélectionné des véhicules homologués Euro 5 et Euro 6b, puis les a soumis à la procédure de tests WLTP (Worldwide harmonized light vehicles test procedures). Il s’agit de la procédure qui doit remplacer à partir de 2017 les tests NEDC en vigueur depuis 1973.

Sans surprise, les résultats de l’étude ADAC montrent que la majorité des véhicules ne pourront pas continuer à être vendus tels quels une fois la nouvelle norme entrée en vigueur. Parmi les véhicules Euro 6 testés, l’étude de l’ADAC fait apparaître des “mauvais” élèves (Volvo S60 D4, Renault Espace Energy dCi160, Jeep Renegade 2.0 Multijet, Hyundai i20 CRDi, Fiat 500X 1.6 Multijet, entre autres) et des “bons”, comme la BMW X6 Xdrive30d, la Citroën C4 Blue HDi, la Mercedes V250d, la Peugeot 508 Blue HDi 150… et même la Skoda Superb 2.0 TDI équipée de la nouvelle génération de moteurs de Volkswagen !

Comparer l’incomparable

L’ADAC prend toutefois la peine de préciser sur son site Internet que ces mesures sont informatives et n’ont aucune validité juridique. Effectivement, il ne pourrait être reproché à un constructeur de n’avoir pas anticipé des normes qui n’existaient pas à l’époque, et qui ne sont encore pas tout à fait définitives aujourd’hui.

Il faut savoir que les constructeurs développent de nouvelles générations de leurs moteurs à chaque révision de la norme Euro. Etant donné que le protocole prévu pour la norme de 2017 sollicite beaucoup plus les moteurs que le cycle NEDC des normes précédentes, il est normal que les écarts soient très élevés.

Le Ministère de l’Ecologie devra donc porter une grande attention à la communication qui sera faite autour des résultats de ces tests. Car évaluer des produits en regard de protocoles et de législations auxquels ils n’étaient pas soumis à l’époque de leur commercialisation, ce n’est jamais facile à justifier. Si l’on cherche à mesurer les performances de plusieurs téléphones portables 3G en les soumettant au protocole 4G, par exemple, on obtient forcément un graphique montrant que tous les produits ne passent pas les tests. Dans le cas présent, si le gouvernement veut éviter de faire éclater un "scandale diesel", il lui faudra éviter de discréditer la quasi-totalité des véhicules roulant sur nos routes en annonçant qu’ils ne réussissent pas des tests volontairement très sévères.

L’intérêt des tests réels

L’étude commandée par la Ministre a tout de même une vertu que celle de l’ADAC n’a pas : elle ne se limite pas aux tests en laboratoire, mais les complète avec des mesures en roulage réel. Les véhicules seront équipés de capteurs embarqués et effectueront un parcours sur le circuit de l’UTAC (Union technique de l’automobile, du motocycle et du cycle). Par cet aspect, les tests sont représentatifs des futures exigences de la norme Euro 6c, car la révision de 2017 prévoit ce type de tests appelés RDE (real driving emissions).

Comme le souligne le Ministère de l’Ecologie, cette combinaison entre tests en laboratoire et tests en conditions réelles permettra de mettre en évidence d’éventuelles tentatives de fraude. C’est le cas. Mais pourra-t-on aller plus loin que la suspicion ?

Le problème, c’est la validité des résultats de ces tests réalisés en conditions réelles. En ouvrant les tests à tous les automobilistes, les mesures seront forcément influencées négativement par certains véhicules ayant été très mal entretenus. Cela, les constructeurs auront tôt fait de le mettre en avant dans le cas où ils seraient mis en cause. Rappelons que Volkswagen avait pu retarder l’enquête des autorités américaines pendant de longs mois en invoquant des bugs et autres vices de procédures.

Des conséquences sur la filière

A plus long terme, les conséquences peuvent être encore plus fâcheuses. En effet, l’un des intérêts des tests réalisés à l’UTAC est d’associer mesures en laboratoire et mesures en conditions réelles, mais c’est déjà précisément la philosophie de la norme Euro 6c prévue pour 2017. Les discussions autour de cette norme Euro 6c étaient sur le point d’aboutir. Tout ce qui concerne le protocole WLTP (cycle de tests en laboratoire) avait été validé et accepté par les parties prenantes, ne restait plus qu’à définir le rapport maximal autorisé entre les mesures labo et les mesures réelles.

Or, en développant un nouveau protocole de tests différent du WLTP, la Ministre rebat les cartes. Deux options sont envisageables. Soit ce protocole commun UTAC/Ministère de l’Ecologie reste ce qu’il est, c’est-à-dire un test uniquement informatif, qui n’aura plus de valeur une fois la norme Euro 6c appliquée (les ingénieurs de l’UTAC auront déjà à certifier les véhicules selon le nouveau protocole homologué, et cesseront de faire passer ces tests franco-français). Soit la Ministre tient absolument à ce que le cycle WLTP soit remplacé par un cycle plus strict, et elle pèsera sur Bruxelles en faveur d’une reprise des discussions sur ce protocole. Là, c’est toute la filière automobile qui se trouvera ralentie.

Dommage, car après plus de trente ans de débats sur la manière de rendre les tests plus réalistes et de les uniformiser au niveau international, la norme Euro 6C allait être publiée dans deux ans. Cette norme, qui introduit des tests en laboratoire plus stricts et des tests réels, représente une vraie révolution pour l’industrie automobile et contribuera à la rendre plus vertueuse. En créant une pause dans la révision de cette norme, la campagne de tests voulue par le gouvernement pourrait entraîner une pause dans la réduction des émissions polluantes des moteurs.

Frédéric Parisot

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