[Accident du TGV Est] "Les essais en survitesse sont obsolètes", affirme Maître Gérard Chemla
Deux ans après l’accident d’une rame d’essai du TGV Est à Eckwersheim, la survitesse est plus que jamais en cause. Et Gérard Chemla, qui répond aux questions de l’Usine Nouvelle, en tant qu’avocat d’une partie des victimes, dénonce des procédures obsolètes et des tests en survitesse qui ne se justifient plus avec les outils informatiques actuels.
Mis à jour
14 novembre 2017
Après l'accident de la rame d'essai du TGV Est le 14 novembre 2015, l'enquête franchit une nouvelle étape avec la convocation de Systra le 18 décembre et de la SNCF le 20 décembre prochain en vue d’une mise en examen.
"Le juge suit une trajectoire normale", précise Maître Gérard Chelma, avocat d’une majorité de victimes de l'accident, qui ne pense pas que les patrons de l'époque de la SNCF Groupe et Réseau, Guillaume Pepy et Jacques Rapoport, puissent être mis en examen directement. "Ils n’avaient pas la connaissance des essais et de la manière dont ils se déroulaient. Les responsables sont ceux qui étaient le train et qui organisaient les essais."
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Deux employés de la SNCF et un salarié de Systra ont été mis en examen pour homicides et blessures involontaires et placés sous contrôle judiciaire en octobre 2016.
Une notion de dangerosité des essais méconnue
Cet accident qui avait fait 11 morts et 42 blessés sur 53 personnes présentes a été provoqué par un certain amateurisme et une vitesse excessive, inhérente à ce type d’essais. La rame avait déraillé à l’entrée de la courbe de raccordement à 20 kilomètres de Strasbourg. Le train avait abordé une courbe à 265 km/h, alors que la vitesse prescrite pour cet essai était de 176 km/h, selon l'enquête du BEA. Au moment de dérailler, il circulait à 243 km/h.
Le rapport du Bureau d’enquêtes sur les accidents de transport terrestre (BEA-TT) présenté le 23 mai dernier aux victimes et à leurs familles, conclut à "une stratégie de freinage inadaptée, résultant d’un raisonnement erroné […], une incompréhension entre le cadre transport traction (CTT) et le reste de l’équipage sur les modalités du freinage se traduisant par le relâchement du frein électrique par le conducteur et le maintien de la vitesse de 330 km/h jusqu’au déclenchement du freinage pneumatique, un appel interphonique pendant le freinage qui a perturbé le CTT et l’a empêché de voir que le frein électrique avait été relâché contrairement à la stratégie qu’il avait prévue."
Pour Maitre Chemla, le nombre de personnes présentes dans la rame n’est pas un élément accablant contrairement à ce qui est régulièrement évoqué. "Il est possible d’inviter 50 personnes. Il y a un dépassement de trois personnes." Le problème provient de la "notion de dangerosité des essais, explique-t-il. Le train et surtout le TGV sont considérés comme des outils trop sûrs. Et je traduis la présence de public par le fait qu’on a perdu de vue qu’on roulait à des vitesses dangereuses." En effet, il n’y avait jamais eu d’accident mortel de TGV depuis sa première mise en service en 1981.
On réfléchit avec les connaissances du début du TGV
En effectuant des essais en survitesse et en désactivant les systèmes automatiques de protection, il était nécessaire d’avoir une organisation hyper sécuritaire. Or, "la procédure des essais était insuffisamment organisée avec une culture du retour d’expérience défaillante, dénonce l’avocat des victimes. Du côté de Systra, il existe une méconnaissance, une absence de règles écrites pour des essais en survitesse. Elles existent chez la SNCF et ne sont pas reprises par Systra." Et de rappeler que "les essais du 11 novembre – trois jours avant l’accident - avaient permis de déceler une mauvaise évaluation des distances de freinage. Chacun prend ses notes, évalue le freinage de façon différente. Il n’y a pas derrière de logiciel pour valider les modalités."
Cette survitesse ne se justifie pas. "On doit rouler 10% au-dessus de la vitesse de signalisation et pas 10% au-dessus de la vitesse maximale, précise Maître Chemla et surtout il ajoute un point essentiel sur l’inutilité de la survitesse pratiquée pendant les essais.
"Ces trains en survitesse sont inutiles. On continue à réfléchir avec les connaissances que nous avions au début du TGV, quand on ne savait pas modéliser, explique-t-il. Maintenant, on a emmagasiné tellement d’expériences que l‘on pourrait faire circuler les voitures Mauzin [rames pour enregistrer la géométrie des voies ferrées en charge et en dynamique] qui sont bourrés d’électronique à 200 km/h et savoir ce qui se passerait à 350 km/h grâce à la modélisation et l’informatique." En un mot, ces essais en survitesse n’ont plus aujourd’hui de raison d’être.
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