A Saint-Nazaire, le doute plane sur l’avenir des Mistral russes
Le gouvernement français joue la montre pour livrer le Vladivostok, premier des deux porte-hélicoptères commandés par Moscou. Le temps est venu de mettre à l’eau le Sebastopol, son "sister-ship", théoriquement livrable en octobre 2015.
Mis à jour
20 novembre 2014
Désormais achevé, le Vladivostok, bâtiment de projection et de commandant (BPC) de type Mistral, est à quai dans le bassin de Penhoët, à Saint-Nazaire (Loire-Atlantique). Plus que jamais, l’incertitude pèse sur la livraison ou non de ce navire à la Russie, qui l’a commandé en 2011 ainsi qu’un "sisterhip", le Sebastopol. La commande s’élevait à 1,2 milliard d’euros. Du côté des industriels concernés, DCNS et STX France, un grand silence entoure l’affaire.
En attendant, le temps est venu de mettre à l’eau le Sebastopol. Ce deuxième BPC devait prendre place dans le bassin de Penhoët pour son armement, dès le départ de son ainé. Fin octobre, le vice-Premier ministre russe Dmitri Rogozine faisait savoir sur Twitter que la cérémonie de livraison du Vladivostok, permettant de libérer une place dans le bassin, était prévue pour le 14 novembre, ce qui n'a pas été le cas. Selon le calendrier initial, un an de travaux sont encore nécessaires à l’achèvement du Sebastopol, pour une livraison envisagée en octobre 2015.
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La partie arrière a été fabriquée en Russie
Comme pour le premier porte-hélicoptère, la partie arrière de ce navire a été fabriquée en Russie, à Saint-Pétersbourg. Cette moitié de navire est arrivée le 15 juillet à Saint-Nazaire. Depuis, les blocs avant et arrière ont été assemblés sur place par STX France, le chantier naval intervenant en tant que sous-traitant pour DCNS qui a signé le contrat de ces navires avec l’agence russe Rosoboronexport. Le projet prévoyait que la série soit éventuellement prolongée avec un troisième et un quatrième bâtiment réalisés en Russie par le biais d’un transfert de technologies.
Longs de 200 mètres pour 22 000 tonnes en charge, les BPC russes seront servis par un équipage de 177 hommes. Comme leurs équivalents français, ils pourront transporter 16 hélicoptères lourds chacun, au moins 70 véhicules blindés, 450 hommes de troupe et des chalands de débarquement.
400 marins russes stationnent à Saint-Nazaire
Mardi, Ouest France affirmait en une que les marins russes n’étaient plus admis sur le Vladivostok. Cette information a été démentie mercredi 19 novembre, avec l’arrivée à bord de plusieurs dizaines d’entre eux. Depuis quatre mois, près de 400 russes stationnent à Saint-Nazaire pour se former au maniement du Vladivostok. Ces militaires que l’on voit déambuler dans les rues de Saint-Nazaire, vivent à bord du Smolniy, un bâtiment école également amarré à Penhoët. Ils attendent eux aussi une décision du gouvernement français.
En septembre, François Hollande avait déclaré que la livraison du Vladivostok était conditionnée à la mise en œuvre effective d’un cessez le feu en Ukraine et la mise en place d’une solution politique permettant de garantir la paix dans la région, ce qui n’est manifestement pas le cas aujourd’hui. La décision de la France devait être prise "courant novembre". "Je prendrai ma décision en dehors de toutes pressions d’où qu’elles viennent et en fonction de deux critères, les intérêts de la France et l’appréciation que j’ai de la situation", a précisé le chef de l’Etat, lors du récent sommet du G20 à Brisbane, en Australie. "Il n’y a pas de pression de temps", a ajouté le Président, sans évoquer les pénalités que pourrait exiger la Russie pour retard de livraison.
Le deuxième bateau entre en phase d’armement
Via l’agence de presse RIA Novosti, Moscou a fait savoir qu’elle attendrait jusqu’à fin novembre avant de réclamer des indemnités pour la non-exécution du contrat et que les montants réclamés seraient rendus publics. En attendant, Saint-Nazaire ne veut pas faire les frais d’un éventuel embargo. "Le deuxième bateau est quasiment fait, il entre en phase d’armement. La charge est donc derrière nous, avait indiqué, en septembre, François Janvier, de la CFE-CGC de STX France. Le vrai sujet est que ces navires sont constitutifs des budgets sur 2014 et 2015… On n’a quasiment que cela à livrer. Une annulation aurait donc des conséquences économiques et ce n’est pas à nous de les payer, car entre nous et les Russes, il y a DCNS, les organismes d’import-export et les Etats."
Vice-président du conseil régional des Pays de la Loire, Christophe Clergeau a récemment estimé qu’une éventuelle suspension de la vente "ne peut se faire au détriment de STX France et de ses salariés". Philippe Grosvalet, président du Conseil général de Loire-Atlantique, a tenu des propos similaires : "Si je salue la décision du président de la République de ne pas livrer un navire susceptible de transporter des équipements de combat à un gouvernement qui mène la politique du pire, je souhaite que la France et l’Europe assurent le financement des deux Mistral."
De notre correspondant en Pays de la Loire, Emmanuel Guimard
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