A Nouméa, Manuel Valls s'engage aux côtés de la SLN
En visite à la Société le Nickel (SLN) le 29 avril, le Premier ministre Manuel Valls a affirmé le soutien de l’Etat à cette filiale d’Eramet en grande difficulté depuis la chute des cours du nickel. L’avenir de la filière, et plus urgemment celui de la SLN (2 200 emplois directs et 8 000 indirects) est l’un des sujets cruciaux de la visite du Premier ministre en Nouvelle Calédonie.
Dans un discours prononcé au sortir d’une visite de l’usine pyrométallurgique centenaire, Manuel Valls a notamment proposé un prêt pouvant aller jusqu’à 200 millions d’euros à la Société territoriale calédonienne de participations industrielles (STCPI), représentant les trois provinces calédoniennes au capital de la SLN. Cette somme doit permettre à l’actionnaire minoritaire (34% du capital de la SLN) "d’assumer pleinement ses devoirs d’actionnaire pour couvrir les besoins en financement jusqu’en 2018", a affirmé Manuel Valls.
Ceci, à condition que la réduction des coûts de production de la SLN annoncée par le PDG d’Eramet Patrick Buffet (-25% d’ici fin 2017, dont 10% d’économies déjà réalisés depuis début 2016) soit tenue et que le cours du nickel continue à remonter. Car ces derniers mois, la SLN perdait 20 millions d’euros par mois. On peut imaginer qu’Eramet, lors de son prochain conseil d’administration, décidera de la somme qu’elle accorde à son tour, maintenant que ses co-actionnaires sont en mesure de co-financer les pertes. Un engagement qu'Eramet a longuement réclamé, allant jusqu'à menacer de laisser sa filiale en défaut de paiement si les autres actionnaires ne prenaient pas leur part.
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Eramet appelée à plus d'efforts... mais les autres aussi
S’il constitue un soutien important, ce prêt proposé à la STCPI ne va pas sans contrepartie pour Eramet, qui selon le premier ministre "doit faire plus", mais "ne peut porter seule le destin de la SLN". : "Je souhaite aussi que, comme cela avait été décidé, l’autonomie de gestion de la SLN soit renforcée par rapport à son actionnaire majoritaire Eramet." Le Premier ministre fait ici allusion aux accords politiques de 1999, ainsi qu’au pacte d’actionnaires de 2000 qui prévoit le transfert du siège à Nouméa et la nomination d’un président de la SLN différent de celui d’Eramet – deux actions déjà mises en oeuvre– mais également une réelle autonomie de gestion de la filiale calédonienne, qui pourrait être renforcée, par exemple avec le transfert en Calédonie de sa direction financière et commerciale, actuellement à Paris.
La direction peut tout de même se réjouir de la reconnaissance du Premier ministre, qui a souligné que "à ce jour, force est de constater que seul Eramet a accompli son devoir d ‘actionnaire, en apportant 150 millions d’euros à la SLN". Ce que confirme Patrick Buffet : "Depuis la fin 2015, le groupe Eramet assure seul le financement de la SLN."
"Quand les cours du nickel étaient au plus haut, les actionnaires de la SLN ont reçu des dividendes. Maintenant qu’ils sont au plus bas, ils doivent prendre leurs responsabilités en assurant la trésorerie de l’entreprise", a rappelé le Premier ministre.
Une centrale électrique externe
Le député calédonien (UDI) Philippe Gomès s’est déclaré "très heureux" des engagements du Premier ministre sur deux sujets qu’il a longtemps portés : le refinancement de la SLN et l’ouverture du dossier de la nouvelle centrale. "Pendant très longtemps, Eramet a considéré que la centrale ne pouvait être réalisée qu’en interne, sans pour autant programmer concrètement son financement. Rien ne semble désormais s’opposer à ce qu’un schéma alternatif de construction et de financement soit examiné, qui ne pèse pas sur les comptes d’Eramet", a précisé le Premier ministre, qui a évoqué un apport de garantie par l’Etat. La proposition est donc d’étudier le montage financier nécessaire à la construction d’une centrale externe, co-financée notamment par des énergéticiens. "C’est un nouveau projet qui sera bâti avec des acteurs locaux – la SLN, la STCPI, Enercal, qui permettra demain à la SLN d’être plus compétitive. Parce qu’une fois que cette centrale sera réalisée, elle produira moins cher et si elle produit moins cher, sur le marché international, même en cas de crise elle s’en sortira mieux", a commenté Philippe Gomes.
Entre politique environnementale et rationalité industrielle
Mais ce projet pourrait se heurter à trois difficultés. Les réticences actuelles, tant de l’Etat français que des banques, à financer une centrale au charbon (coût estimé : 800 millions d’euros) pourtant considérée comme la seule solution raisonnable pour un acteur industriel électro-intensif comme la SLN. Un rapport commandé par l’Etat en 2013 en arrivait en tout cas à cette conclusion. Mais comme le reconnaissent les acteurs eux-mêmes, "la Cop21 est passée par là". Second obstacle, le surcoût d’une centrale à gaz, non à la construction (presque moitié moins chère) mais dû au fait de devoir lui adjoindre la construction d’un terminal gazier (site Seveso, alors que la centrale est au cœur de la ville de Nouméa) et d’importantes capacités de stockage (jusqu’à six mois de consommation). Il faudrait enfin trouver des petits méthaniers qui acceptent d’escaler en Nouvelle-Calédonie pour des quantités réduites. Au global, au lieu d’être divisé par deux, le coût en sera doublé.
Dans tous les cas, la centrale actuelle devra être remplacée avant 2018. Car pour la mener à l’échéance de 2021, un réinvestissement de quelque 50 millions d’euros serait nécessaire. Et là - c'est la troisième difficulté -, le calendrier est serré, surtout s’il faut relancer une étude gaz versus charbon.
Manuel Valls, dans un vibrant appel à la cohésion, a enfin rappelé aux parties en présence, souvent à couteaux tirés, que "la survie du nickel calédonien sera collective ou, ce que je me refuse à envisager, l’échec sera collectif".
Myrtille Delamarche, à Nouméa
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