9 solutions pour résoudre la question du prix des médicaments

Depuis le lancement de la campagne controversée de Médecins du Monde, pas un jour ne se passe sans un nouveau débat sur le prix des nouveaux médicaments. Que faire face à ces produits jugés trop chers par les associations, mais très innovants par l’industrie pharmaceutique ? L’Usine Nouvelle a passé en revue les solutions proposées... plus ou moins polémiques.

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9 solutions pour résoudre la question du prix des médicaments

1) La transparence à tout prix

En France, le prix des médicaments remboursés par l’Assurance-Maladie est négocié entre chaque fabricant et le Comité économique des produits de santé (CEPS). Cet organisme interministériel se base sur les recommandations scientifiques de la Haute Autorité de Santé et les données économiques de l’industrie, protégées par le secret des affaires. Problème, ces discussions sont opaques, dénoncent de nombreuses associations et députés. D’autant qu’elles intègrent des remises, donc "personne ne connaît le prix réel supporté par l’Assurance-Maladie", estime Olivier Maguet de Médecins du Monde. Interrogé le 22 juin par la Commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, le syndicat de l’industrie pharmaceutique (Leem) a proposé une concession : ouvrir ce processus de fixation des prix aux représentants des patients et aux élus.

2) Revoir les critères

Représentant des associations de patients, le Ciss appelle à revoir le mécanisme de fixation des prix, pour les médicaments innovants. Non plus basé sur leur seule "valeur thérapeutique", mais incluant également le critère de coût (R&D, production, commercialisation) et le suivi en vie réelle. "Il n’est pas acceptable que les laboratoires obtiennent des prix et des marges exorbitants pour leurs molécules innovantes, et ce sans rapport avec les coûts réels qu’ils supportent", accuse le Ciss.

Impossible d’individualiser ce coût par pays et par médicament, répond le Leem. La mise au point d’un produit, durant plus de dix ans, est particulièrement coûteuse (1,5 milliard de dollars en moyenne) car risquée. Un laboratoire intègrera ainsi le coût de toutes les molécules abandonnées (93% dans la phase de développement !) en cours de route, car jugées pas assez efficaces ou sûres. "Ce que nous finançons aujourd’hui, c’est la recherche de demain", insiste Cyril Schiever, vice-président de l'association industrielle LIR.

3) Réduire les délais

En France, les délais d’instruction par les autorités du remboursement d’un futur médicament sont bien trop longs. Ils dépassent la moyenne européenne alors que Bruxelles a fixé une date limite. Résultat, les dossiers trainent et le prix demandé par un laboratoire peut augmenter. Car "celui-ci doit pouvoir bénéficier d'un retour sur investissement suffisant avant que son brevet n’expire et que son produit ne soit concurrencé par des génériques à bas coût, observe un avocat qui défend l’industrie. Or les laboratoires qui mettent au point les molécules innovantes ne disposent souvent plus que de trois ou cinq ans pour rentabiliser leur investissement, contre dix à quinze ans par le passé." Pour tenter de réduire les délais, les effectifs du CEPS vont passer de 16… à 21 salariés.

4) Revoir l'organisation du système de santé

En guérissant les malades de l’hépatite C, ou en tentant de transformer les cancers en maladies chroniques, les médicaments innovants bouleversent considérablement les systèmes de soin. Avec, à la clé, des économies à long terme pour l’Assurance-Maladie, estime le Leem. Appelant à mener des réformes pour réorganiser les hôpitaux, et développer la médecine ambulatoire. A chaque lancement d’une innovation de rupture, il propose que le laboratoire apporte plus de précisions sur les patients qu’il cible, et les réformes à prévoir pour le système.

5) Se limiter aux "préscriptions pertinentes"

Pour le Ciss, il est également temps de lutter contre "la sur-médicalisation, les prescriptions systématiques des molécules les plus récentes et les plus onéreuses, les soins redondants à l’hôpital comme en ville, les soins inappropriés. Et ce d’autant plus que ces mésusages, excès et non pertinences peuvent avoir des conséquences graves sur la santé et coûteuses pour la collectivité". Objectif : dégager du financement pour l’innovation en réduisant le nombre de prescriptions non pertinentes.

6) Introduire d'office des médicaments génériques

Jugés trop coûteux pour le système de santé, les traitements capables de guérir l’hépatite C n’étaient pour l’instant réservés… qu’aux malades aux stades les plus graves. Une situation inacceptable pour plusieurs associations, dont Médecins du Monde. Elles appellent le gouvernement à adopter une méthode jusqu’ici inédite en France, "la licence d’office", afin d’autoriser des fabricants de génériques à produire ces traitements à coûts très réduits, en échange d’une petite rémunération pour l’industriel détenteur du médicament d’origine. Un mécanisme légal et utilisé par le passé à l’étranger pour d’autres pathologies, selon elles.

Hors de question, jugent les laboratoires concernés, alors que leurs propres produits sont encore brevetés et qu’ils permettent d’éviter de futurs coûts en guérissant les malades. Mais l’idée ne serait pas d’utiliser cette solution à chaque fois, assure Olivier Maguet. Il entend marquer le coup en frappant fort avec l’hépatite C, afin de "redonner du pouvoir au régulateur".

7) Satisfait ou remboursé

Le concept du "produit efficace ou remboursé" peut aussi s’appliquer aux médicaments. Testé dans l’Hexagone pour un traitement du laboratoire Celgene, il va être étendu à d’autres produits innovants, grâce à un accord cadre passé entre le Leem et le CEPS. L’avantage : se réserver la possibilité de réviser leur tarif en fonction de leur véritable impact, mesuré sur quelques années selon des critères bien précis. Car après sa mise en vente, l’efficacité et la tolérance d’un médicament peuvent s’éloigner de celles démontrées lors des études cliniques.

8) Trouver un accord international

François Hollande plaide pour "une régulation internationale" afin de "lutter contre le prix prohibitif de certains nouveaux médicaments tout en favorisant l'innovation." Prochaine étape, la réunion des ministres de la Santé du G7 en septembre au Japon. Mais les chances de convaincre les Etats-Unis semblent faibles. Aussi, certains députés préconisent plutôt une réflexion à l’échelle européenne, qui est d’ailleurs en charge de la majorité des autorisations de mise sur le marché des médicaments aujourd’hui. D’autant que les groupes pharmaceutiques sont mondiaux.

Problème, peut-on concilier l’analyse très économique des autorités en charge du remboursement en Angleterre, l’organisation plutôt décentralisée du système allemand, et le nôtre ? Beaucoup en doutent. Le patron du CEPS rappelle, pour sa part, qu’il réalise déjà des veilles stratégiques sur les prix en Europe, afin de tenter de renégocier avec un laboratoire dès qu’un tarif plus bas est détecté à l’étranger. Sans compter les 5 000 baisses de prix qu’il impose chaque année suite à l’arrivée d’un meilleur produit concurrent, de génériques…

9) Anticiper tous ensemble

Pour anticiper les futures grosses dépenses de médicaments, le CEPS a récemment mis en place un Comité prospectif sur l’innovation médicamenteuse. Objectif, anticiper avec les laboratoires pharmaceutiques les produits marquants qui devraient arriver dans les trois ans. Tandis que le Leem, tout comme le Ciss, appellent à de vrais débats sur le prix de l’innovation. Nul doute que le sujet resurgisse également dans le cadre de la campagne pour l’élection présidentielle…

Gaëlle Fleitour

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